tout doucement, passent par un trou, et partent en courant en direction des chapons. Comme ils n'y vont pas en traînant, ils arrivent vite au poulailler. Tibert, qui a réfléchi, adresse alors la parole à Renart : « Renart, fait-il, très cher ami, les chapons sont ici dedans, mais si vous me croyez, par mes dents, vous ne toucherez pas aux poules. Au contraire, je vais vous dire comment vous ferez : vous prendrez le coq avant tout, qui a le corps gros et gras, et vous laisserez les poules tranquilles, car elles ont l'échine fort maigre. Elles sont chétives, dégarnies de leur plumes, dures, vieilles et toute crottées. Le coq est si jeune et tendre, et les autres sont tellement plus petites, qu'il vous ferait aussitôt obstacle quand vous entreriez dans le poulailler, si vous touchiez les poules, ou si vous les saisissiez, il crierait aussitôt tellement fort qu'il réveillerait Gombaut; et celui-ci vous le ferait bien payer s'il pouvait vous attraper; vous y laisseriez la peau, pour sûr. » Renart pense qu'il dit vrai, mais en fait, l'autre est en train de le berner. Alors, Renart prend beaucoup de précaution et s'en va tout droit vers Chantecler, qui tient son bec entre ses plumes; il est sur la droite, à côté de Pinte. Renart le prend par la tête, et quand il le tient, il s'en fait une grande joie. Tibert, qui est aux aguets et qui désire tellement le tromper, se met à faire un signe de la main, puis il lui dit : « Le tiens-tu bien ? Attention qu'il ne s'échappe en aucun cas ! Le tiens-tu vraiment bien ? Dis moi. » Alors Renart répond : « Oui, par ma foi, je le tiens par le cou et par la cuisse, il ne m'échappera pas autant que je puisse. » Alors qu'il ouvre la gueule, lui qui d'habitude roule tout le monde, le coq sent la bouche se relâcher, il bat des ailes et se tire de là. Puis il se met à chanter si fort, que le paysan, sire Gombaut, qui dormait, se réveille. Il dresse la tête, prête l'oreille, il entend seigneur Renart qui est dans le poulailler, et s'imagine qu'il est en train de tout piller. Il saute de son lit tout agité, il appelle ses chiens et sa maisonnée, il prend une brassée de fourrage et la jette dans le foyer. Le feu s'allume aussitôt si bien qu'il peut voir dans la maison. Il s'en va tout droit au poulailler, et emmène ses chiens avec lui. Il ouvre la porte avec une certaine peine, et quand Tibert l'entend, il s'échappe tout doucement, puis s'en va en fuyant, le cou tendu. Quant à Renart, il reste pris au piège, et s'emploie très fort à déguerpir, il ne souhaite ni rester ni séjourner ici, et se met en fuite à grands sauts. Le paysan lance ses chiens après lui en criant. Aussitôt qu'ils l'ont vu et qu'ils l'ont bien repéré, il se mettent à sa poursuite. Renart profère de rudes menaces envers Tibert; s'il peut le rejoindre, il le fera gémir et crier, lui qui a provoqué tout ça, et qui l'a pris pour un imbécile. Le paysan le suit en criant et Tibert le chat s'en va en riant, il s'en fait une grande joie, il est très content car il s'est bien vengé de Renart, qui l'a privé de sa queue par tromperie. Il arrive tout droit sur le pieu cassé, puis saute hors de l'enclos. Il ne s'inquiète pas, puisqu'il n'est pas pris, et qu'il a bien eu Renart maintenant, mieux qu'il ne pourra jamais le posséder. Mais Renart le suit de plus près qu'il ne le pensait, avec les chiens à sa suite. Il arrive au trou qui donne sur le passage par où il était entré; et pense pouvoir s'élancer à travers. Mais les chiens prennent les devants et s'agrippent à sa fourrure; ça lui vaut une bonne frayeur. Ils le font tomber sous leurs pattes, ils le piétinent et le battent fort, ils le maltraitent très méchamment. Renart le supporte bravement, il voit bien qu'il ne peut pas faire autre chose, car il ne peut ni s'échapper, ni même essayer, vu comme les chiens se mettent à le tirer. Renart, qui se met à souffler fortement, en saisit un par les narines, avec ses dents qu'il a fortes et fines, et il le fait crier puis hurler. Quand le chien voit qu'il ne peut plus rien faire, il saute de côté et secoue la tête. Renart, qui est une sale bête, lui a coupé la narine, et l'emporte entre ses dents. Il va vers le trou et s'enfuit à travers, ils ne l'attraperont pas encore aujourd'hui, je pense. Renart s'enfuit à grande vitesse, autant qu'il peut éperonner, et que ses pattes peuvent l'emmener. Il pense trouver seigneur Tibert mais il ne l'aperçoit pas. Sachez qu'il l'aurait fort maltraité si Tibert l'avait attendu. Il lui aurait fait payer très cher l'attaque que les chiens lui ont faite. Il s'en va en fuyant à travers les labours, car il a grand-peur des mâtins, il n'attend ni camarade ni compagnon. | 2408 2412 2416 2420 2424 2428 2432 2436 2440 2444 2448 2452 2456 2460 2464 2468 2472 2476 2480 2484 2488 2492 2496 2500 2504 2508 2512 2516 2520 2524 2528 2532 2536 | Tot belement par .I. pertuis, Droit as chapons en vont corant Que il ne se vont delaiant. Il sont au gelinier venu. Tybert qui porpensé se fu, Si a Renart a raison mis : « Renart, fet il, biax douz amis, Li chapon sont ici dedenz. Mes se me creez par mes denz, As gelines ne toucherez. Ainz vos diré conment ferez : Vos prendrez le coc tot avant Qui a le cors et gras et grant, Et lessiez ester les gelines Que trop ont megres les eschines. Mergres sont et entrepelees, Dures et vielles et crotees. Le coc si est jones et tendres, Et si est des autres mout mendres, Et si i metroit ja dangier Quant vos vendrez au gelinier. Se les gelines pernïez Et se vos les sesisïez, Il s'escrieroit ja si haut Que il esveilleroit Gombaut, Si vos feroit trop acheter, Se il vos pouoit atraper ; La pel i lairïez por voir. » Renart quide qu'il die voir, Mes non fet, ançois le gaboit. Lors sot Renart trop pou d'aguet, A Chantecler tot droit s'en vet Qui son bec en sa plume tient. Delez Pintain estoit a destre. Renart le prent par mi la teste, Quant il le tient, grant joie fet. Tybert qui estoit en aguet, Qui mout le bee a engingnier, De la main se prant a seignier, Si li a dit : « Tien le tu bien ? Garde ne t'eschape por rien. Ne le tiens tu bien ? di le moi. » Et dist Renart : « Ouil, par foi, Je le tieng par col et par cuisse, Ne m'eschapera que je puisse. » Si con Renart ovri la goule, Celui qui tot le monde boule, Le coc li sent lascher la bouche, Bat ses eles et si s'en touche. Si conmence a chanter si haut Que li vilain sire Gombaut Qui se dormoit si s'esveilla. Drece la teste, s'oreilla, Si a oï dant Renardier Qui ja estoit a gelinier, Si cuida estre toz robez. De son lit saut toz esfreez, Ses chiens apele et sa mesnie, Du fuerre prent une bracie, Et si l'a el fouier jeté. Le feu est tantost alumé Si que par mi la meson voit. Au gelinier en va tot droit, Et avec lui ses chiens enmainne. L'uis a overt a quelque painne, Et quant Tybert l'a entendu, Fuiant s'en va col estendu, Et tot coiement s'en eschape. Et Renart remest en la trape, Qui mout fort a fouir s'atorne, Si ne remaint ne ne sejorne, Les grans sauz se met a la fuie, Et li vilain aprés lui huie Ses chiens, si tost con l'ot veü, Et quant il l'ont aparceü, Aprés se mistrent en la trace. Et Renart durement menace Tybert se il le puet ataindre, Il le fera crïer et geindre, Qui tout ce li a esmeü, Et que por fol l'a il tenu ; Et li vilains le va huiant. Tybert le chat s'en va riant, Grant joie fet et mout est liez, Que de Renart s'est bien vengiez Qui par barat l'ot escoué, Et vint tot droit au pel froé, Si est sailliz hors del porpris. Ne li chaut, puis que il n'est pris, Que a Renart huimés aviengne, Au miex que il porra se tiengne. Mes Renart le sieut plus de pres Qu'il ne cuide, et li chien aprés. Vint au pertuis et au destroit Par la ou il entrez estoit, Si se cuide par mi lancier. Li chien pristrent a avancier, Si l'aerdent au peliçon, Bien li valut une friçon. Desoz lor piez l'ont abatu, Mout l'ont defoulé et batu, Mout l'ont atorné malement. Renart l'endure bonnement, Bien voit n'en pot fere autre chose, Car si ne pot ne fouir n'ose, Si con li chien le vont tirant. Renart qui mout va soupirant, En aert .I. par les narines As dens qu'il a et fors et fines, Et si le fet crïer et braire. Quant li chien voit n'en puet plus faire, Saut en travers, s'escost la teste. Et Renart qui fu pute beste, Li a la narille coupee, Entre ses denz l'en a portee, Vint au pertuis, par mi s'en fuit. Nel bailleront huimés, ce cuit. Fuit s'en Renart de grant randon Tant con il puet a esperon, Tant con piez le porent porter, Que dant Tybert cuida trover, Mes il ne l'a mie trové. Sachiez que mout li a grevé ; Se Tybert l'eüst atendu, Il li eüst mout chier vendu L'estrif que li chien li ont fet. Fuiant s'en vet tot .I. garet, Que grant peor ot des gaingnons, N'i atent per ne compaingnons. |
2424: "vieIlles" (il manque le "i")
RépondreSupprimer2441: "côté"
2459: "Gombaut" et pas "Combaut"
2481: "qu'ilS l'ont vu"
2503: "pouvoir" et pas "pourvoir"
2504: supprimer la virgule après "Mais"
2507: "leurS pattes"
2519: "côté"
2535: "mâtins" (accent)
Merci !
JA
C'est corrigé. Merci d'avoir signalé les fautes.
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