qu'il ne peut répondre à Renart. Renart l'interpelle à nouveau : « Tibert, Tibert, mon cher ami, Pour l'amour de Dieu, buvez vite, dépêchez-vous, ou le couvercle va vous retomber dessus. » Tibert se soucie fort peu de ce que seigneur Renart lui dit. Il met toute son application à laper, et boit à volonté. Quand il a bu autant qu'il lui plaît, il renverse le pot par terre, et le lait se répand entièrement. Renart lui dit : « Vous êtes un goinfre. Pourquoi avez-vous renversé le pot ? Il aurait mieux valu que vous m'ayez bien battu puis bien piqué. Je vois bien que je n'aurai plus de lait. » Cependant, il dit : « Allez, sautez dehors, car je peine bien trop, et de toute ma personne, à soutenir cette huche. Il faut que vous reveniez à l'extérieur. — Compagnon, fait-il, je le consens, mais attendez-moi encore un peu. — Je ne peux plus, dit Renart, pour sûr, je vais laisser tomber la huche, si vous ne sortez pas rapidement, car elle me pèse beaucoup trop dessus. » Tibert se met à soupirer quand il voit que l'autre ne peut plus résister, et il fait aussitôt un bond. Renart tient le couvercle haut, Tibert saute d'un élan sur le bord extérieur, quand Renart laisse retomber violemment le couvercle, et puis l'enfonce tellement que Tibert en a la queue écrasée. Car il ne fait pas semblant, le coup, si fort, lui a tranchée en deux, quand le couvercle est tombé dessus. Tibert le chat est tout surpris, il ressent une telle douleur dans son corps qu'il ne s'attarde en aucune manière, et il retombe sur le sol. Sans pouvoir se contenir, il interpelle Renart : « Renart, vous m'avez bien mal arrangé, car vous m'avez tranché la queue, et j'en ai souffert le plus grand martyre. — Quoi ! dit Renart, en toute honnêteté, je n'ai pas fait ça, que dites-vous là ? Vous avez bondi avec une si grande fureur, que vous avez fait tomber la huche. — Je n'ai pas fait ça, par saint Léonard, tout le monde m'aurait pris pour un fou si je l'avais fait. Vraiment, si je n'étais pas si fâché je vous prendrais pour un sot. — Tibert, taisez-vous, lui dit Renart, vous devriez en ressentir un très grande joie, car vous savez bien, si Dieu me guide, que vous avez le corps plus léger. — Je n'avais pas besoin de ça, dit Tibert, sachez en vérité, que je ne souhaitais l'avoir pour aucune raison, et qu'il n'y a que vous pour y croire ! » Renart répond : « Tout cela est futile, car vous êtes trop sot. Votre queue était un fardeau qui vous allait au cul en se débattant. Laissons là le cas de votre queue, d'autant qu'elle ne peut plus être réparée. Dites-moi en toute sincérité si vous ne vous sentez pas beaucoup plus léger. » Alors, Tibert dit : « Vous vous moquez ! — Moi, me moquer ? dit Renart, pour quoi faire ? Qu'aviez-vous à faire d'une telle queue ? Si on devait vous pourchasser, que Dieu me pardonne, vous fuiriez plus lestement. D'ailleurs, je sais très bien, et ça n'est pas une plaisanterie, par la foi que je dois à Hersent mon amie, et à Hermeline et à ses enfants, que la mienne qui est si grande, je voudrais qu'elle soit coupée à moitié. » Tibert dit : « Vous l'avez trouvée utile jusqu'à maintenant. Mais restons-en là à présent, et allons-nous-en sans tarder, directement et sans hésitation, là où est le poulailler. » Alors Renart dit : « Par saint Riquier, je veux que nous allions manger. » | 2320 2324 2328 2332 2336 2340 2344 2348 2352 2356 2360 2364 2368 2372 2376 2380 2384 2388 2392 2396 2400 2404 | A Renart ne pot mot sonner. Autre foiz l'a a reson mis : « Tybert, Tybert, biax doz amis, Por Dieu hume tost, haste toi, Ou la huche charra sor toi. » Tybert s'i entent mout petit A ce que dant Renart li dist. A humer a s'entente mise, Tant en huma a sa devise. Quant ot humé tant con li plot, Si trebuscha tot jus le pot Et espandi le let trestout. Renart li dist : « Mout es or glout. Por qoi as le pot abatu ? Miex vosisse que bien batu M'eüsses et aprés bien point. Bien voi que du let n'avré point, Et neporquant fai, si sail hors, Que trop sui traveillié du cors De ceste huche soustenir. Il te covient hors a venir. — Compains, fet cil, et je l'otroi, Mes atent moi encore .I. poi. — Je ne puis, dist Renart, por voir. La huche lesseré chaoir, Se ne viens hors hastivement, Que trop me grieve durement. » Tybert se prent a soupirer Quant voit qu'il ne puet endurer, Maintenant avoit fet .I. saut. Renart tint le covercle haut, Et Tybert saut hors de plain vol, Et Renart let chaoir si fort Le covercle, et si l'empaint. Tybert a en la queue enpaint Si grant cop que ne fu pas gieus, Tronçonnee li a en deus, Que le covercle sus chaï. Tybert li chaz si s'esbahi, Tel douleur senti a son cuer Que ne se remist a nul fuer, A terre le covint venir, Por riens ne se pooit tenir, Si a Renart a raisonné : « Renart, tu m'as mal atorné Que tu m'as la queue tranchie, Si en ai soufert grant hachie. — Quoi, dist Renart, par ma vertu, Ce n'ai je pas fet, que dis tu ? Tu saillis de si grant aïr Que la huche feïs chaïr. — Je non fis, par saint Lienart, Ja n'est il hons qui por musart Ne me tenist se fet l'eüsse. Certes si corouciez ne fusse, Je te tenisse por musart. — Tybert, tes toi, ce dist Renart, Tu en doiz avoir mout grant joie, Car tu sez bien, se Diex me voie, Que tu as le cors plus legier. — De ce n'avoie je mestier, Dist Tybert, saches tu de voir, Ne vosisse por nul avoir Que tu n'as qui te croie lores. » Dist Renart : « Tot est forelores, Que tu es certes trop musart. Ta queue estoit .I. apesart Qui au cul t'aloit debatant. Or lessons de la queue a tant Qui ne puet estre recovree. Di moi en verité provee Se n'en vas plus legier assez. » Et dist Tybert : « Vos me gabez ? — Gabe ? dist Renart, a qoi fere ? Que as tu de tel queue a fere ? S'on te chaçoit, se Dex m'ament, Plus fuiroies legierement. Bien sai, si n'est pas gaberie, Foi que je doi Hersent m'amie, Et Hermeline et ses enfanz, La moie qui est einsi granz Vodroie fust par mi coupee. » Dist Tybert : « Bonne l'as trovee, Mes or lessons a tant ester, Si en alons sanz demourer Tot droitement sanz delaier Droit la ou est le gelinier. » Et dist Renart : « Par saint Richier, Je voil que aions a mengier. » |
2321: "dépêchez-vous" (trait d'union)
RépondreSupprimer2340: "attendez-moi" (idem)
2354: "LA lui a tranchéE en deux"
2362: "RenarT"
2365: "— Quoi !, dit Renart" Je serais partisane de supprimer la virgule après le point d'exclamation, mais cela dépend du parti pris choisi pour l'ensemble du texte
2391: "— Moi, me moqueR ?,"
Verbe à l'infinitif + même remarque pour la virgule après le "?"
2393: "Si L'on devait" serait peut-être plus élégant. Mais là aussi, question d'harmonisation.
2399: "que je voudrais qu'elle soit coupée à moitié."
Je crois qu'il faut supprimer le "que":
D'ailleurs, je sais très bien que la mienne, qui est si grande, je voudrais qu'elle soit...
2401 et 2402:
"Mais restons-en là à présent,
et allons-nous-en sans tarder,"
(2 traits d'union en plus)
Voilà, les fautes sont corrigées. Vers 2393 toutefois, "on" n'est pas remplacé par "l'on" conformément au texte original.
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