dimanche 8 mai 2011

À la cour du roi Noble - Brun et Tibert trompés avec du miel




Renart répond : « Seigneur Brichemer,
R


enart respont : « Dant Brichemer,
vous avez pour habitude de m'apprécier, eh bien
je préférerais être étendu mort par terre,
plutôt que de ne pas jurer sur la relique.
Je veux que Ronel ait son dû.
Ne suis-je pas en train de parler de raison et de droit ?
— Oui, vous dites cela très clairement.
— Vous savez bien que seigneur Frobert,
un homme riche qu'on dit des Noues,
a nourri trois oies pendant bien sept mois. »
L'autre dit : « Vous dites vrai.
— Je pense bien les avoir aujourd'hui même.
Car personne ne peut faire serment,
ni bonne offrande avec loyauté,
s'il n'a pas mangé un peu avant :
il en a alors le cœur mieux disposé. »
Grimbert répond : « Oui, oui. »
Alors, Renart continue : « Il y a
une offrande encore plus riche dans un garde-manger.
Si seigneur Brun veut bien m'aider,
et messire Tibert aussi,
je leur donnerai une bonne part.
Il y a aussi du bon miel nouvellement recuit,
je vais en manger aujourd'hui, je crois. »
Quand Brun entend parler de miel,
il dit alors qu'il veut y aller
avec lui et Tibert le chat.
Mais je crois bien qu'il va le payer cher,
car Renart se dit en lui-même,
que chacun y laissera son gage.
Brichemer dit : « Seigneur Brun, Tibert,
irez-vous donc chez seigneur Frobert ?
— Oui, messire, que Dieu veille sur moi
et Renart en chemin. »
Brun l'ours ajoute : « C'est le moment de partir,
car il nous faut revenir vite. »
Sur ce, ils s'y mettent au pas de course :
Renart, Tibert, et Brun l'ours.
Renart leur dit : « Mes seigneurs et compagnons,
prenez soin que nous restions ensemble,
car les paysans sont très mauvais.
D'ailleurs, je les vois là-bas battre sur l'aire.
Mais je connais très bien tout cet endroit,
regardez donc cette fenêtre,
notre route est par là.
— C'est le moment d'y aller de bon cœur,
lui dit seigneur Brun, car on ne demande
qu'à manger de la nourriture. »
Ils s'en vont aussitôt tous les trois à droite,
jusqu'à ce qu'ils arrivent à la fenêtre
qui est ouverte pour aérer.
Tibert et Brun, sans s'attarder,
sautent à l'intérieur rapidement.
Et seigneur Renart tout pareillement
pour mieux trahir ses compagnons.
« Mangeons donc, ne faisons pas semblant »,
leur dit Renart, qui leur fait commettre une folie.
Alors, Brun mange goulûment.
Tandis que Renart lèche l'extérieur du pot,
Tibert et Brun mordent de gros morceaux.
Renart décide alors de sortir
pour les tromper.
« Tibert, seigneur Brun, mangez le donc.
Mais j'ai bien peur de devoir vous utiliser comme gage,
tout mon cœur et mon corps en tremblent. »
À ces mots, Renart le roux s'esquive aussitôt,
hors de là,
tout joyeux et tout content,
par la fenêtre qu'il referme.
Tibert et Brun sont enfermés à l'intérieur.
Renart leur crie : « Seigneur Brun, Tibert,
vous allez passez la nuit dans une très bonne auberge.
Mangez doucement, tout à votre aise,
car vous ne pourrez pas sortir d'ici
avant d'avoir laissé un gage
à seigneur Frobert pour son dommage. »
Brun comprend bien qu'il est trahi.
Renart s'en va dans l'enclos,
il n'a que faire de la suite de l'histoire,
car il a peur qu'il y ait outrage.


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Vos me solïez molt amer.
Miex vodroie gesir en l'aire
Que nel fiance au saintuaire.
Je voil Rooniax ait son droit :
Dont ne di je reson et droit ?
— Oïl, vos dites bien c'apert.
Vos savez bien que danz Frobert,
.I. riches hons c'on dit des Noes,
Bien a .VII. mois norri .III. oes. »
Ce dist Renart : « Vos dites voir.
— Je les cuit bien encui avoir.
Nus ne puet fere serement,
Ne bone offrende loiaument,
S'il n'a avant .I. poi mengié :
Il en a le cuer plus haitié. »
Grimbert respont : « Ia, ia. »
Lors dist Renart : « Encore i a
Plus riche offrende en .I. lardier.
Se dant Bruns me voloit aidier,
Et dant Tybert fust d'autre part,
Je lor feroie bonne part ;
Si a bon miel novel recuit,
Jel mengeré encui, ce cuit. »
Quant Bruns oï del miel parler,
Lors dist qu'il li vouloit aler
Entre lui et Tybert le chat.
Mes je cuit bien que chier l'achat,
Qar il pense en son corage
Que chascun i laira son gage.
Dist Brichemer : « Dant Brun, Tybert,
Irez vos donc chiés dant Frobert ?
— Oïl, sire, se Diex me voie,
Avec Renart en ceste voie. »
Dist Bruns li ors : « Or de l'aler,
Qu'il vos en covient tost raler. »
A tant se metent el grant cors
Renart, Tybert et Brun li ors.
Lors a dit : « Seignor compaingnon,
Gardez qu'ensemble nos tenon,
Car vilain sont mout deputaire,
Et je lé voi la batre en l'aire.
Je sai mout bien trestout cest estre,
Or regardez ceste fenestre,
Par ci en ert nostre sentiers.
— Or de l'aler mout volentiers,
Ce dist dant Bruns, or ne demande
Que de mengier de la viande. »
Tantost s'en vont tuit troi a destre
Tant qu'il vindrent a la fenestre,
Ouverte estoit por essorer.
Tybert et Bruns sanz demorer
Saillirent enz isnelement,
Et dant Renart tout ensement
Por miex honnir ses compaingnons.
« Or du mengier, ne nos faignons »,
Ce dist Renart qui les foloie,
Et Brun menjue et goloie.
Que que Renart lechoit defors,
Tybert et Brun mordent grant mors.
Or pense Renart qu'il ira
La fors, si les conchiera.
« Tybert, dan Bruns, or del mengier.
J'ai grant peor de vos gagier,
Trestot li cuers el cors me tremble. »
A icest mot tantost s'en emble
Renart li rous fors de laiens,
Qui mout par est liez et joianz,
Par la fenestre que il clot.
Tybert et Bruns laienz enclot.
Renart crie : « Dant Brun, Tybert,
Anuit avrez mout bon herbert.
Mengiez souef a grant loisir,
Car vos n'en porrez pas issir
Tresque vos aiez lessié gage
Seignor Frobert de son donmage. »
Brun oï bien qu'il ert traïz,
Renart s'en va au plaiseïz,
N'avoit que fere de lonc conte,
Qar peor a qu'il n'i ait honte.
Comment Ysengrin alla se plaindre de Renart à la cour du roi Si conme Ysangrin s'ala plaindre de Renart a la cort le roi (9)
Notes de traduction (afficher)

2 commentaires:

  1. Au v. 5154: on écrit plutôt "Eh bien". Au v. 5194, "battre par terre" n'est pas clair, pourquoi ne pas laisser "battre, sur l'aire", puisque c'était le terme pour désigner le lieu du battage (et jusqu'au milieu du XXème siècle, on l'employait encore dans certaines campagnes) ? Aux v. 5213-14, "sortir dehors" ressemble bien à un pléonasme... Au v. 5227: "ayez laissé", et peut-être plutôt "un gage" ou "votre gage" que "son gage", car ce n'est pas le gage de Sire Frobert.

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    1. Les fautes sont corrigées, vos propositions sont retenues, merci.
      « battre sur l'aire » est certes vieilli mais tout à fait justifié ici.
      « un gage » est effectivement plus correct et ne prête pas à confusion. « jusqu'à ce que vous ayez laissé un gage, » est maintenant changé en « avant d'avoir laissé un gage ».

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