samedi 5 février 2011

À la cour du roi Noble - Brun accuse Renart




Quand j'ai entendu les paysans sonner du cor,
Q


uant j'oï les vilains corner,
ceux qui m'auraient vu me retourner
contre eux sans retenue,
les griffer et les mordre avec force,
les cogner, les battre et les mettre en déroute,
auraient pu dire en toute vérité
que jamais on n'avait vu bête
faire un tel carnage parmi des chiens.
J'aurais très bien pu me défendre contre eux,
lorsque je vis les traits tomber,
et les flèches barbelées
longues et larges dégringoler autour de moi.
Quand je les ai vues arriver, je suis parti.
J'ai choisi l'autre côté que celui des chiens,
et je me suis élancé vers les paysans.
Ils m'ont aussitôt laissé le champ libre;
il n'y en avait pas un assez hardi ou courageux
dès que j'ai piqué une pointe vers eux,
qui ne soit pas retourné en fuyant.
Je suis arrivé à rattraper l'un d'eux,
et je l'ai écrasé par terre avec mes pieds.
Un autre s'en allait en fuyant,
qui portait une grosse massue.
Celui que je tenais se mit à crier et à me huer,
l'autre s'est retourné puis m'a fait mal.
Il a levé sa massue à deux mains,
et m'a frappé d'un tel coup vers l'oreille,
qu'il me fit tomber, que je le veuille ou non.
Comme je me suis senti bien abasourdi,
j'ai lui laissé son compagnon,
puis j'ai bondi sur mes pattes et ils ont crié.
Les chiens se sont alors ralliés contre moi,
puis ils m'ont pourchassé et tiraillé.
Quand les paysans tous ensemble ont vu cela,
les voilà qui étaient tout excités,
ils se sont alors mis à me piquer avec leurs épées,
à jeter des pierres, à tirer des flèches,
et les mâtins criaient et aboyaient.
Quand je pouvais saisir l'un d'eux,
je me voyais attaqué de toutes parts.
J'ai vu que j'étais couvert de plaies,
alors je me suis alors quelque peu inquiété.
J'ai commencé à me diriger vers le bois
du côté où la mêlée était moindre,
puis je m'en suis extorqué du mieux que j'ai pu.
Un peu plus et j'étais pris !
Mais, en fuyant et en me défendant à la fois,
à travers les broussailles sur une pente,
malgré tous mes ennemis,
je fis tant et si bien que je pénétrais dans le bois.
Voilà comment seigneur Renart m'a possédé
pour attaquer les poules.
Je ne dis pas cela pour porter plainte,
mais pour donner un exemple.
Seigneur Ysengrin s'est plaint tantôt,
l'autre jour Tiécelin s'est plaint aussi
car il l'a plumé par traîtrise;
il a voulu aussi emprisonner
Tibert le chat dans un piège
où il aurait dû y laisser la peau;
puis il s'est si bien comporté en fripouille
aux dépens de la mésange sa commère,
qu'en lui donnant un baiser, il l'attaqua
comme Judas qui trahit Dieu.
Une décision doit bien être prise
puisqu'il a recommencé maintes fois,
aussi, nous avons grandement péché
pour l'avoir autant encouragé. »
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Qui lors me veïst trestorner
Vers les vilains tot abandon,
Et fouir et mordre de randon,
Hurter et batre et desconfire,
Bien peüst por verité dire
Que ainz ne fu veüe beste
Qui de chiens feïst tel tempeste.
Bien me peüsse d'eus desfendre,
Quant je vi les pilez descendre
Et les saietes barbelees
Chaoir entor moi granz et lees,
Quant les vi venir, si m'en part.
Les chiens choisi de l'autre part,
Vers les vilains ving eslessiez.
A tant me fu li chans lessiez ;
N'i ot si hardi ne si cointe,
Des que je fis vers euls ma pointe,
Qui lors ne s'en tornast fuiant.
Je ving l'un d'eus aconsuiant,
A terre a mes piez le cravent.
.I. autre s'en aloit fuiant
Qui portoit une grant maçue.
Cil que je ting s'escrie et hue,
L'autre retorne, si me grieve.
A .II. mains la maçue lieve,
Tel coup me feri lez l'oreille,
Chaoir me fist, voille ou ne voille.
Quant je me senti si coisié,
Son compaingnon li ai lessié,
Si sailli sus et il s'escrient,
Et li chien a moi se ralient,
Si me chacent et me detirent.
Quant li vilain entre eus ce virent,
Estes les vos toz apoingnant,
De lor glaives me vont poingnant,
Pierres jetent, saietes traient,
Et li mastin crïent et braient.
La ou je poi .I. d'els ataindre,
De toutes parz me vi ataindre.
Je vi que g'iere mout plaiez,
Adonc fui auques esmaiez.
Vers le bois conmencé a tendre
Par la ou la presse estoit mendre,
Si m'en estors au miex que poi.
Retenuz fusse a bien poi,
Mes que fuiant, que desfendant,
Par une broce, en .I. pendant,
Mau gré trestoz mes anemis,
Fis ge tant que el bois me mis.
Einssi dant Renart m'a bailli
Par les gelines q'asailli.
Mes ne le di por clamor fere,
Mes por essample de lui trere.
Or s'est clamez dant Ysengrin,
L'autrier se clama Tiecelin
Qu'il le pluma en traïson ;
Si le voloit metre em prison
Tybert li chas en .I. chepel
Ou il redut lessier la pel ;
Et puis refist il bien que lerre
De la mesenge sa conmere,
Quant il en besant l'asailli
Conme Judas qui Dieu traï ;
S'en doit bien estre conseil pris,
Quant il si sovent est repris,
Que nos i avons grant pechié
Qui tant li avons alechié. »
Comment Ysengrin alla se plaindre de Renart à la cour du roi Si conme Ysangrin s'ala plaindre de Renart a la cort le roi (9)
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