jeudi 6 août 2009

La pêche aux anguilles - Ysengrin pris dans la glace




Ça se passe un peu avant noël
C


e fu .I. poi devant Noel
quand on met les jambons dans le sel.
Le ciel est clair et étoilé,
et l'étang est si gelé,
là où Ysengrin doit pêcher,
qu'on peut danser dessus,
mis à part un trou qui est là
que les paysans ont fait.
Un seau y a été abandonné.
Renart arrive tout joyeux,
et il appelle son compère :
« Seigneur, fait-il, venez par ici.
Il y a là quantité de poissons,
et aussi l'ustensile avec lequel on pêche
les anguilles, les barbeaux,
et autres bons et beaux poissons. »
Ysengrin dit : « Seigneur Renart,
prenez le donc par un côté
puis attachez-le moi bien à la queue. »
Renart le prend puis le lui noue
autour de la queue du mieux qu'il peut.
« Frère, fait-il, il faut maintenant vous
comporter très adroitement
pour que les poissons arrivent. »
Il s'enfonce alors dans un buisson,
puis met son museau entre ses pattes
de manière à voir ce que fait le loup.
Ysengrin, lui, est sur la glace,
le seau dans le trou d'eau
rempli de glaçons; ça commence bien !
Sa queue est dans l'eau gelée
et scellée dans la glace.
Celui-ci cherche à soulever
le seau qu'il croit pouvoir tirer vers le haut.
Il s'y essaye de plusieurs façons,
mais ne sait comment faire, alors il s'inquiète.
Il se met à appeler Renart,
qui ne veut plus rester là,
car déjà l'aube a percé.
Renart lève la tête
puis ouvre les yeux et le regarde :
« Seigneur, fait-il, abandonnez donc votre tâche,
allons-nous-en très cher ami,
nous avons pris assez de poissons. »
Alors Ysengrin lui crie :
« Renart, fait-il, il y en a trop !
J'en ai tant pris que je ne saurais dire combien. »
Et Renart se met à rire,
puis lui dit carrément :
« Celui qui convoite tout, perd tout. »
La nuit passe, l'aube perce,
au matin le soleil se lève,
les chemins sont blancs de neige.
Alors monseigneur Constant des Granges,
un vavasseur bien aisé
qui demeure au bord de l'étang,
se lève avec sa maisonnée,
qui est toute gaie et joyeuse.
Il prend un cor et appelle ses chiens,
puis ordonne de mettre sa selle,
tandis que sa maisonnée pousse des cris.
Renart l'entend, alors il prend la fuite
jusqu'à sa tanière et s'y engouffre.
Ysengrin, lui, reste dans l'embarras,
et il fait de grands efforts, et il tire,
peu s'en faut que sa peau ne s'arrache.
Mais s'il veut partir d'ici
il lui faudra se séparer de sa queue !


1084



1088



1092



1096



1100



1104



1108



1112



1116



1120



1124



1128



1132



1136



1140



1144



1148
Que l'en metoit bacons en sel.
Li ciex fu cler et estelez
Et li vivier fu si gelez,
Ou Ysengrin devoit peschier,
Qu'en pooit par desus treschier,
Fors tant c'un pertuis i avoit
Qui des vilains faiz i estoit.
.I. seel i estoit lessiez.
La vint Renart toz eslessiez
Et son compere apela :
« Sire, fet il, traiez vos ça.
Ci est la plenté des poissons,
Et li engin ou nos peschons
Les anguilles et les barbiaus
Et autres poissons bons et biaus. »
Dist Ysengrin : « Sire Renart,
Or le prenez de l'une part,
Sel me laciez bien a la queue. »
Renart le prant et si li neue
Entor la queue au miex qu'il puet.
« Frere, fet il, or vos estuet
Mout sagement a maintenir
Por les poissons avant venir. »
Lors s'est en .I. buisson fichiez,
Si mist son groing entre ses piez,
Tant que il voie que il face.
Et Ysengrin est seur la glace,
Et li seaus en la fontainne
Plains de glacons a bone estrainne.
La queue est en l'eve gelee
Et en la glace seelee.
Cil se conmence a soufaschier,
Le seel quide a mont sachier,
En mainte guise s'i essaie.
Ne set que fere, mout s'esmaie.
Renart conmence a apeler,
Qu'ileques ne volt plus ester,
Que ja estoit l'aube crevee.
Renart a sa teste levee,
Si le regarde et les elz ovre.
« Sire, fet il, quar lessiez ovre.
Alon nos ent, biax doz amis,
Assez avons de poissons pris. »
Et Ysengrin li escria :
« Renart, fet il, trop en i a.
Tant en ai pris, ne sai que dire. »
Et Renart conmença a rire
Si li a dit tout en apert :
« Cil qui tout covoite, tot pert. »
La nuit trespasse, l'aube crieve,
Li souleux par matin se lieve.
De nois furent les voies blanches.
Et mesire Costant des Granches,
.I. vavassor bien aaisié
Qui sor l'estant fu herbergié,
Levez estoit et sa mesnie
Qui mout estoit joiant et lie.
.I. cor a pris, ses chiens apele,
Si conmande a metre sa sele,
Et sa mesnie crie et huie.
Renart l'oï, si torne en fuie
Tant qu'en sa tesniere se fiche.
Ysengrin remest en la briche
Qui mout s'esforce et sache et tire,
A poi la pel ne li descire.
Se d'ilec se veut departir,
De sa queue l'estuet partir.
Comment Renart fit pêcher les anguilles à Ysengrin Si conme Renart fist peschier a Ysangrin les anguiles (4)
Notes de traduction (afficher)

3 commentaires:

  1. Un très beau travail, Peut-être fallait-il rappeler que l'histoire "originale" est en latin dans le texte de l'Ysengrimus pour être complet. Merci en tout cas.

    RépondreSupprimer
  2. Un beau texte que je croyais en prose!
    Quel est l'autre sens du texte!

    RépondreSupprimer