voici un valet qui arrive en courant, en tenant deux lévriers en laisse. Il voit Ysengrin sur la glace, tout gelé, avec sa nuque toute pelée, alors il s'élance vers lui. Le valet le regarde avec attention, puis il s'écrit : « Holà ! holà ! au loup ! à l'aide ! à l'aide ! » Les veneurs, quand ils l'entendent, sortent aussitôt de la maison avec tous les chiens, puis à travers une haie. Alors, Ysengrin s'inquiète beaucoup, car seigneur Martin arrive à leur suite sur son cheval à grand galop. Celui-ci crie avec force en dévalant : « Allez, vite ! laissez partir les chiens. » Les veneurs découplent les chiens, et ils s'approchent de lui; alors Ysengrin se redresse vivement. Le vavasseur excite les chiens et les encourage fortement. Ysengrin se défend très bien, il les mord avec les dents. Mais que peut-il faire de plus? Il aimerait beaucoup mieux la paix. Maître Martin a tiré son épée, et se prépare à frapper un grand coup. Il met le pied à terre, et va vers le loup à travers la glace. Il l'attaque par-derrière, il tente de le frapper, mais il rate. Le coup part en travers, et maître Martin tombe à la renverse, si bien que sa nuque se met à saigner. Il se relève avec grand-peine, et dans une grande colère retourne l'attaquer. Écoutez le récit de cette terrible guerre. Il essaye de le frapper à la tête, mais le coup tombe de l'autre côté, vers la queue, et la coupe. Elle est coupée juste au ras du cul, il ne l'a pas ratée. Et Ysengrin qui s'en est rendu compte, saute de travers, et s'échappe en mordant tous les chiens l'un après l'autre, qui s'agrippent à ses fesses à maintes reprises. Mais la queue reste en gage ! Il ne peut rien faire de plus, et prend la fuite jusqu'à un tertre où il prend position. Les chiens le mordent plusieurs fois mais il se défend très bien. Quand ils arrivent en haut du tertre les chiens sont fatigués, et renoncent. Ysengrin ne s'attarde point, il s'en va en fuyant, tout en regardant derrière lui, droit vers le bois à grande allure. Puis il s'en va, et il se dit, il jure même qu'il se vengera de Renart à la prochaine occasion qu'il le verra. Cette branche prend fin ici; il y en a beaucoup d'autres avec Ysengrin. | 1152 1156 1160 1164 1168 1172 1176 1180 1184 1188 1192 1196 1200 1204 1208 | Estes vos .I. garçon corant. .II. levriers tint en une lesse, Voit Ysengrin, vers lui s'eslesse Sor la glace tot engelé, A tot son hasterel pelé. Cil l'esgarda et puis s'escrie : « Ha, ha ! le leu ! ahie, ahie ! » Li veneor, quant il l'oïrent, Tantost de la meson saillirent Atot les chiens par une haie. Adonc Ysengrin fort s'esmaie, Car dant Martin venoit aprés Sor .I. cheval a grant eslés, Qui mout s'escrie : « A l'avaler ! Lesse, va, tost les chiens aler ! » Li braconner les chiens descoplent Et li brachet a lui s'acoplent, Et Ysengrin mout se herice. Le vavassor les chiens entice Et amoneste durement. Ysengrin mout bien se desfent, As denz les mort, qu'en puet il mes ? Assez amast il miex la pes. Dant Martin a l'espee traite, Et por grant cop ferir s'afaite. A pié descendi en la place Et vint au leu devers la glace. Par deriere l'a asailli, Ferir le cuida, si failli. Le coup li cola en travers, Et dant Martin chaï envers Si que li haterel li saine. Il se relieve a grant paine, Par grant aïr le va requerre. Ore orrez ja mout fiere guerre. Ferir le cuida en la teste, Mes d'autre part li cop s'areste. Vers la qeue li a coupee, Tot res a res li a coupee Pres de l'anel, n'a pas failli. Et Ysengrin qui a senti, Saut en travers et si s'en torne : Trestoz les chiens mordant a orne, Qui sovent le tiennent as naches, Mes la queue remest en gages. Ne pot plus fere, torne en fuie, Et tant qu'a .I. tertre s'apuie. Li chien le vont sovent mordant, Et il se va mout desfendant. Quant il furent el tertre a mont, Li chien sont las, recreü sont ; Et Ysengrin point ne se targe, Fuiant s'en va si se regarde, Droit vers le bois grant aleüre. A tant s'en va et dist et jure Que de Renart se vengera El premier lieu qu'il le verra. Ici prent ceste branche fin, Mes encor i a d'Ysengrin. |
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