comment sont apparus Renart et Ysengrin le loup, vous allez entendre à nouveau parler d'eux. Je vais vous raconter une tranche de leur vie, ce que j'en connais. Tout malade et plein de boutons, Renart arrive un jour chez son oncle. Ysengrin dit : « Renart, qu'as-tu ? Je te vois là tout bouleversé. » Renart dit à celui-ci : « Je suis malade. — Vraiment, cher neveu, as-tu mangé aujourd'hui ? — Non, seigneur, je n'ai pas envie. — Levez-vous, dame Hersent, faites lui un petit rôti avec deux rognons et une rate. » Renart s'assoit tout courbé, et se dit que son oncle a fait des jambons. Il lève un peu la tête, et voit trois jambons pendre au faîte. Il dit en souriant aux jambons : « Il est complètement fou celui qui vous a mis là. Hé ! cher oncle Ysengrin, il y a maintenant tant de mauvais voisins. Celui qui peut voir là vos jambons voudra en avoir sa part ! Détachez les vite, dites qu'on vous les a dérobés. » Ysengrin dit : « Je pense que quiconque les verra, n'aura pas l'occasion d'en goûter. » Alors, Renart se mit à rire : « Vous ne pourrez, dit-il, refuser à quiconque pourrait vous en réclamer. » Ysengrin dit : « Arrête avec ça, je n'ai ni frère, ni neveu, ni nièce à qui j'en donnerais un morceau. » Il le dit pour lui, pour son père, pour sa femme, et pour sa mère. |
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Conment il sont venu avant Renart et Ysengrin li leus. Or redevez oïr des deus : Je vos conteré de lor vie, Ce que j'en sai, une partie. Toz malades, plain de reancle, Vint .I. jor Renart chiés son oncle. Dist Ysengrin : « Renart, q'as tu ? Mout te voi ore confondu. » Ce dist Renart : « Malades sui. — Voire, biau niez, menjas tu hui ? — Nenil, sire, n'en ai talent. — Levez vos sus, dame Hersent, Fetes li .I. petit de haste De .II. roignons et d'une rate. » Renart se seoit touz embrons, Pensoit qu'il avoit fet bacons. .I. petitet leva la teste, .III. bacons vit pendre a la feste. En sorriant as bacons dist : « Mout par est fox qui la vos mist. Haï ! biax oncles Ysengrin, Ja sont il tant malvez voisin. Tiex puet la voz bacons veoir Qui en voudra sa part avoir ! Isnelement les despendez, Dites qu'en les vos a emblez. » Dist Ysengrin : « N'en goutera Tiex, con je cuit, qui les verra. » Dont conmença Renart a rire : « Nel porrez, dist il, escondire, Tiex hons vos em porroit rover. » Dist Ysengrin : « Lessiez ester. Je n'ai frere, neveu ne niece Qui j'en donnasse une piece. » Por lui le dist et por son pere Et por sa fame et por sa mere. |
Bonjour,
RépondreSupprimerJe ne traduirais pas les vv. 223-224 ainsi: j'interprète "cuit" comme la P1 de l'ind. prés. de "cuidier" (= penser).
De même, "con" a ici, du moins pour moi, non pas le sens d'une conjonction temporelle, mais celui de "aussi vrai que" (sur ce sens de "con, com", voir la syntaxe de l'ancien français de Ph. Ménard, §438).
Donc je propose comme traduction pour ces vers (en prenant certes quelques libertés):
"Ysengrin dit: On aura beau les voir, personne n'y goûtera, c'est certain!"
[commentaire déposé le 8 novembre 2009]
Merci pour votre correction. Il s'agit effectivement de "penser": "con je cuit" = "comme je pense". Votre traduction est élégante mais je souhaite rester le plus "près" possible du texte. Je choisis: "Ysengrin dit : « Je pense que quiconque les verra, n'aura pas l'occasion d'en goûter. »"
RépondreSupprimer[commentaire déposé le 9 novembre 2009]
Voiçi ma version, plus une adaptation qu'une traduction, tout en essayant de respecter le sens du texte, et le phrasé du texte.
RépondreSupprimerVoilà comment sont apparus
Renart et Ysengrin le loup, tous les deux,
vous allez entendre à nouveau parler d'eux.
Je vais vous raconter une tranche de leur vie,
tout du moins de ce que j’en sais une partie.
Tout malade et plein de furoncles,
Renart arrive un jour chez son oncle.
Ysengrin dit : « Renart, qu'as-tu ?
Je te vois là tout abattu. »
Renart dit à celui-ci : « Malade je suis.
— Vraiment, cher neveu, as-tu mangé aujourd'hui ?
— Non, seigneur, pas vraiment.
— Levez vous, dame Hersent,
et préparez en toute hâte
deux rognons et une rate. »
Renart s'assoit tout courbé,
en cherchant les jambons que son oncle a dû préparer.
L’air de rien, il lève un peu la tête,
et voit trois jambons suspendus au faîte.
Il dit en souriant aux jambons :
« Il est fou celui qui les a pendus au feston.
Hé ! Cher oncle Ysengrin,
il y a maintenant tant de mauvais voisins.
Celui qui peut voir là vos jambons
voudra sûrement recevoir un petit don !
Hâtez-vous de les cacher,
et dites qu'on vous les a dérobés. »
Ysengrin dit : « Je pense que quiconque les verra,
n'aura pas l'occasion de goûter même du gras. »
Alors, Renart se mit à rire :
« Vous ne pourrez, dit-il, sans médire,
d’en donner si on vous en réclamait. »
Ysengrin dit : « Arrête avec ça, s’il te plait.
Je n'ai ni frère, ni neveu, ni nièce
à qui j'en donnerais la moindre pièce. »
Il le dit pour lui, pour son père,
pour sa femme, et pour sa mère.
Dans la traduction que j'ai faite, ce sont des bacons et non des jambons...
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