Vous ne devez pas vous étonnez si j'ai mis dans mon récit, que j'ai commencé sur Renart, des propos sur d'autres personnes, comme vous pouvez entendre au sujet de maître Renart et Ysengrin. Nos voisins racontent en effet qu'une ânesse qu'un prophète chevauchait, parlait jadis. Je les ai entendu l'appeler Balaam, c'est pourquoi je sais la nommer ici. Bellaac, un roi, l'avait poussé tant il lui avait promis et donné, à maudire tout le peuple d'Israël avec grand courroux et colère. Notre Seigneur ne voulait pas le permettre, il fit venir son ange au-devant. Avec son épée bien tranchante il barra la voie à celui-ci. Le prophète piqua l'ânesse avec son aiguillon par-derrière sur la croupe, il la forçait avec ses éperons, et la frappait avec son licol. L'ânesse n'osait pas avancer, à force elle finit par parler, car Dieu voulait qu'elle parle, et elle dit au prophète : « Allez, fait-elle, laisse moi tranquille, Dieu ne me laisse pas avancer. » Ce même Dieu, ainsi qu'il lui passe par l'esprit, peut bien à cette heure accorder aux bêtes sauvages de parler, et rendre les usuriers généreux. |
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Ne vos devez esmerveillier, Se j'ai mis en cest mien traitié Que de Renart ai conmencié, Si con l'en parole d'autrui, Con vos porroiz oïr encui De dant Renart et d'Ysengrin, Car ce content nostre voisin Que une anesse parla ja Que .I. prophete chevaucha. Balaam l'oï apeler, Por ce le sai ici nomer. Bellaac .I. roi l'ot mené, Tant li ot pramis et donné, Par mautalent et par grant ire, Tout le pueple Israel maudire. Nostre sire nel volt soufrir, Son ange fist devant venir, A une bien trenchant espee La voie a a celui veee. Cil point l'asne de l'aguillon Par derriere seur le crepon, Des esperons le destraingnoit, Et du chevestre le feroit. L'asne n'osoit avant aler, Par force li covint parler, Et Diex le volt qu'ele parla, Et le prophete raconta : « Di va, fait il, lesse m'ester, Diex ne me lesse avant aler. » Cil Diex, si li vient a plaisir, Puet encore bien consentir A parler les bestes sauvages, Et les usuriers fere larges. |
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