tellement il est content d'être dehors et libre. Même si on lui donnait cinq cents livres, il ne voudrait pas se retrouver dans la situation qu'il a vécue. Tout en fuyant à grande allure, il jette un coup d'œil par hasard du côté d'un gros buisson, et aperçoit un écuyer en train de pisser. Son cheval se trouve au milieu de la route, Renart va dans sa direction. Il voit, accroché à la selle du cheval, une sorte de récipient, c'est en fait un superbe tambour pour faire peur aux canards. Un faucon est aussi attaché à l'arçon de la selle. Renart regarde tout cela avec intérêt et s'approche sans hésiter, en vérifiant qu'il est toujours en train de pisser. Il arrive à côté du cheval, impatient de l'avoir, et bondit dessus sans autre forme de procès. Il lui donne de grands coups de talon, et le frappe de toutes ses forces. Il met aussi le faucon sur son poing au cas où il en aurait besoin, tout content de l'avoir avec lui, et part au galop. L'écuyer entend du bruit, il tire son épée de sa ceinture, et se met aussitôt à courir après. Mais Renart s'enfuit sans prendre la peine de l'attendre, et l'écuyer finit par le perdre de vue incapable d'aller aussi vite. Renart éperonne de plus belle, et file à toute allure à travers bois, jusqu'à un marais à la sortie du bois, où il découvre pleins de canards dans un étang. Quand il voit ça, Renart va droit sur l'étang, il n'a jamais été aussi content. Il joue de son tambour, et tous s'envolent, mais ils ne vont pas bien loin, et il va tout faire pour en avoir. Il détache aussitôt le faucon, et le lance dans les airs. Il se met à voler de toutes ses forces, puis se jette sur un canard et le prend dans ses serres. Renart le récupère vite fait, puis reprend le faucon et le relance. Il fonce aussitôt sur un autre canard, il l'attrape et le jette au sol, Renart le ramasse aussitôt. Il est heureux comme tout, et félicite le faucon, puis se remet en route. Que dire d'autre ? Il attrape trois autres canards d'un coup, Renart saute de joie, et les charge derrière lui, puis s'en va, le faucon sur son poing, très satisfait de son butin. Il rentre dans le bois et n'a pas fait trois pas, quand il voit le limaçon arriver la lance au poing, le bouclier en main, droit sur son cheval, et le heaume attaché, il est fort bien armé. Il traverse un essart à toute vitesse. La vue de Renart, qui lui a causé tant d'ennui par le passé, lui donne de la joie au cœur, car il va pouvoir satisfaire sa rancune. Il décide de se venger aujourd'hui même pour tous les ennuis qu'il lui a faits, et va lui faire payer sur-le-champ. Quand Renart voit Tardif, il aurait préféré être à cent lieues de là, même sans cheval ni faucon. Mais, voici le limaçon qui fonce sur lui sans perdre de temps, tellement il est remonté contre Renart. Renart attache son faucon au plus vite à sa selle avec un lien. Mais Tardif éperonne son cheval à toute vitesse, lui donne un coup de lance et le fait tomber de son cheval. Renart se retrouve par terre à plat-ventre. Il se remet debout tout étourdi, tant bien que mal, prend son tambour par les cordes, puis se dirige sur Tardif avec la ferme intention de le cogner. Tardif tire alors son épée et s'apprête à le frapper, mais Renart l'a pris de vitesse, et lui donne un tel coup de tambour, qu'il le renverse de son cheval. Tardif tombe en-arrière de toute sa hauteur sur son bouclier. Quand Renart le voit à terre, il se jette dessus, lui arrache son bouclier, et le frappe à la tempe avec son tambour. Il lui écorche complètement le visage qui devient rouge de sang. Il ramasse ensuite son épée, une épée longue et solide, lui enfonce à travers le corps, et le tue net. Ensuite, il se remet en selle, met son épée à la ceinture, et s'en va, en emportant le bouclier vermeil qui brille à la lumière du soleil. | 22224 22228 22232 22236 22240 22244 22248 22252 22256 22260 22264 22268 22272 22276 22280 22284 22288 22292 22296 22300 22304 22308 22312 22316 22320 22324 22328 22332 22336 22340 | Grant joie en son cuer demainne De ce qu'il est fors et delivres. Mes qui li donnast .VC. livres, Ne vodroit il estre en tel point Con il a esté a cest point, Et va fuiant grant aleüre, Si regarda par aventure Delez .I. buisson bel et grant, .I. escuier trova pissant. Son cheval fu en mi la voie, Et Renart s'est mis a la voie Et voit la sele el roncin, Si i ot pendu .I. bacin Dont en fet as anes peor ; Mout i avoit cointe tabor. De delez la sele a l'arçon Avoit atachié .I. faucon. Renart si l'avoit regardé, Cele part va, n'i a tardé Et choisi celui qui pissoit. Vers le roncin que tant prisoit S'en vient, que ne demeure plus, Tot maintenant est sailli sus ; Si le fiert grant cox des talons, Renart le fiert de grant randons. Trestot aussi com a besoing, Le faucon a mis sor son poing Dont il a en son cuer grant joie, Esperonnant s'en va sa voie. Li escuier oï la frainte, S'espee trait qu'il avoit çainte, Si cort aprés de maintenant, Et Renart si s'en vet fuiant Qui n'ot cure de son acort. Li escuier l'ot perdu tost Qui ne pot pas si tost aler. Renart pense d'esperonner Grant aleüre par le bois Tant qu'il a trové .I. marois A l'issue du bois ramé. Anes i avoit a plenté En .I. estanc qui i estoit. Renart s'en va cele part droit ; Quant Renart a l'estanc veü, Onques mes plus joians ne fu. Son tabor sone et eles saillent, Je ne cuit pas q'ainsi s'en aillent ; Se Renart puet, il en avra. Tantost le faucon deslaça, Les giez laça sanz demoree, Et cil se mist a la volee Qui mout durement s'esvertue ; A tant a une ane abatue, Soz lui la tint entre ses piez, Renart s'est mout tost eslessiez, Le faucon reprent, si le jete, Et il tot maintenant s'adrece, Si en a une autre saisie, Contre la terre l'a chastie Et Renart si l'a tantost prise. Mout en fet grant joie et mout prise Le faucon et mout le tient chier ; Tantost se rest mis au frapier. Qu'iroie lonc conte fesant ? .III. anes prist en .I. tenant, Renart mout grant joie en a fait, Derrier lui trosse, si s'en vait ; De son gaaing biau se deporte, Desor son poing son faucon porte. Es le vos enz el bois entré. Mes il n'ot pas granment alé, Quant vit le limaçon venir La lance el poing, l'escu tenir Sor .I. cheval tout afichié, Bien armé, le hiaume lacié ; Poingnant venoit par .I. essart. Si tost con ot veü Renart, Grant joie en ot en son corage, Car il li ot fait maint donmage, Mainte rancune et maint anui. Vengier s'en cuide encore encui De tout l'anui que fet li a ; Orendroit, ce dit, li vendra. Quant Renart a Tardif choisi, Lors vosist estre a Choisi Tout sanz cheval et sanz faucon. A tant es vos li limaçon Qui vers lui vint sanz atargier. En Renart n'ot que couroucier ; Son faucon atache viaz Desor son arçon a .I. laz, Et Tardif le cheval brocha, Que il mie ne demora, Sel feri si de son espié Que du cheval l'a mis a pié, Toz estenduz chaï et plaz. Il resaut sus pensis et maz, Et son tabor par les laz prist. Maintenant vers Tardif s'en vint, De lui ferir forment s'afete, Lors a Tardif l'espee traite, Si s'est de ferir aprestez. Mes Renart s'est .I. pou hastez, Si le fiert tel coup du tabor Qu'il l'abati du missoudor. De si haut conme Tardif fu Chaï envers sor son escu ; Et quant Renart le vit chaü, A lui cort, si li tolt l'escu, Sel fiert del tabor lez l'oreille Qu'il li fist la teste vremeille. Tout le vis li a escorchié, Si li a tolu son espié Qui estoit grant et fors et gros, Si li lance par mi le cors. Mort l'a ; et puis s'apareilla. S'espee ceint et puis s'en va, Si en porte l'escu vremeil Qui reluist contre le soleil. |
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