de bon sens et de ruse en maintes circonstances, je me retrouvais la faim au ventre, peu avant trois heures, l'autre jour, alors que je passais par un sentier le long de l'essart de Liétart, ce paysan de malheur, qui m'a mis dans cette mouise. Je venais d'avoir la peur de ma vie à cause de trois mâtins qui m'avaient poursuivi, et serré de bien près. Je m'étais écarté du chemin, car, comme vous pouvez l'imaginer, s'ils avaient réussi à m'attraper, ils ne m'auraient pas fait de cadeau, mais mis à mort en un rien de temps. J'avais fini par trouver un chêne creux au ras du sol, où je m'étais caché. J'avais bien besoin de repos, car j'étais complètement épuisé. J'aurais pu me faire tuer en un clin d'œil, mais j'avais bien dissimulé mon corps. Comme j'avais échappé à ces mâtins, sans me faire blesser grâce à ce tour de force, j'en profitais pour me relâcher un peu. Alors que je me reposais, j'entendis, par un trou dans la haie, qui côtoyait l'essart de Liétart, le paysan s'emporter et se lamenter sur son bœuf. Il ne poussait ni cri de joie, ni ne chantait, mais pleurait, et il n'avait pas tort, car, par colère et par dépit, il l'avait promis à seigneur Brun l'ours, et ne savait que faire. Il m'a raconté son aventure, et c'est là que j'ai voulu faire une bonne action, moi qui n'avais jamais rendu service jusque-là. Vraiment, je l'ai bien cherché, et j'ai eu tort, car bien agir m'a porté malheur. Le paysan était content et rassuré pour Rougel, grâce à mon conseil, sinon il allait sûrement le perdre. J'ai joué les rabatteurs pour l'aider, et je l'ai fait si bien, que ce traître de paysan, a réussi à tuer Brun l'ours, puis l'a emmené chez lui. Et, pour me récompenser, il a lancé ses chiens à mes trousses. Je me suis bien fait écorcher comme vous pouvez le voir, ils me sont tombés dessus, et ont enfoncé leurs crocs dans mes oreilles et dans mes fesses. Ils ont retenu ma queue en gage à force de tirer dessus. Mais Liétart va le payer très cher, si mon état ne s'aggrave pas. — Calmez-vous, dit Hermeline, cessez de vous tourmenter ainsi, d'ailleurs, vous n'êtes guère blessé. Vous devez maintenant oublier vos malheurs, et vous ressaisir, car vous pouvez espérer vous venger rapidement, si vous voulez bien vous en donner la peine. Vous pourriez enlever sa charrue, la mettre en pièces, et les cacher dans le bois, vous pourriez aussi le tourmenter chaque jour un peu plus, ou encore lui voler ses courroies. À force de le harceler de la sorte, vous le ferez crever de douleur, ce salaud de paysan, il ne faut donc plus vous faire de bile. Il faut changer d'humeur, et faire comme vous l'entendez, cela vous redonnera du baume au cœur. — Ma chère compagne, ma douce amie, dit-il, la chose sera faite. » | 17984 17988 17992 17996 18000 18004 18008 18012 18016 18020 18024 18028 18032 18036 18040 18044 18048 18052 18056 | Mon sens et ma guile en maint lieus. M'en tornai ge tout fameilleus. Un poi devant none, l'autrier, M'en aloie par .I. sentier Qui estoit mout pres de l'essart A .I. mauvez vilain Lietart Qui m'a ceste sausse meüe, Si ai mout grant peor eüe De .III. mastins qui me sivoient Et mout pres de moi habitoient. .I. poi guenchi hors de la voie, Por ce que sanz doute savoie Que se retenir me peüssent, En petit d'eure mort m'eüssent Et si fusse trop mal menez, Quant trovai .I. chesne chevez Pres de terre ou je me repos. Mestier avoie de repos, Que mout estoie ja lassez. En poi d'eure fui trespassez, J'avoie bien gardé mon cors. Puis que des mastins fui estors Sanz plaie et par ma proece, Petit prisai cele lassece. Tandis con je me repos oie El crues qui ert delez la haie Qui ert de l'essart Lietart pres, Si oï le vilain engrés Qui a son buef se dementoit Et ne hoilloit ne ne chantoit, Ainz ploroit qu'il n'avoit pas tort, Que par ire et par desconfort A dant Brun l'ors pramis l'avoit. De lui nul conseil ne savoit. Quant il me conta son afere, Lors conmençai je bien a fere, Je qui onques mes bien ne fis : Le quis je et je me mesfis, Quant je fis bien en mal eür. Le vilain fis liez et seür De Rougiel par ma porveance Que il ert de perdre en doutance. Por le vilain devin venierres, Tant fis que li vilain mentierres Brun l'ors ocist et l'enmena. Teu guerredon rendu m'en a Qu'aprés moi a ses chiens huiez. Bien ai esté peleïciez, Si con il est aparissant. Il me venoient embatant Lor dens es oreilles, es naches. Ma queue ont retenu en gages Li .III. mastin a lor sachier. Mes Lietart le comparra chier, Se du tout mes sens ne decline. — Lessiez ester, dist Hermeline, Ne soiez pas si esmaiez, Ja n'estes vos gueres blechiez. Or vos devrïez deporter De cest mal et reconforter, Que vos estes en esperance De prandre hastive venjance, S'un poi vos en volez pener. La charrue en pouez mener, Despecier et el bois repondre. Le vilain porrez si confondre Petit et petit toutevoies, Si li emblerez ses corroies. Issi le porrïez grever, Et de duel le feriez crever Le vilain puant deputaire, Si ne devez or pas duel fere. Ce vos deüst tost desvoloir Que tout selonc vostre voloir En esclerrez tot vostre cuer. — Bele compaingne, bele suer, Dist il, bien ert fete la chose. » |
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