et confiant grâce à ses trois mâtins, lui répond avec méchanceté : « Renart, j'en connais peu qui font preuve d'un grand courage en proférant des menaces. Montre-moi donc de quoi tu es capable ! Je ne te demanderai ni paix ni trêve, je ne le ferai pas pour deux sous. Tes menaces et ta vantardise ne valent pas un clou. Crois-tu pouvoir me faire peur comme à un chat ? J'ai entendu maintes menaces, mais la maisonnée n'en a jamais été moins joyeuse pour autant, ni notre porte fermée plus vite. Je suis de ceux qui craignent beaucoup moins ton habileté et ton ardeur que tu ne peux le croire. Je sais bien que tu vas mettre toute ton énergie à me nuire et à m'accabler. Tu ne me feras pas bouger d'un doigt, je n'ai pas peur de toi, je ne redoute pas les gens comme toi qui, comme on sait, ne valent pas la peine d'être effrayé pour si peu. Nombreux sont ceux qui agressent les autres avec des discours acerbes, mais ils ne sont pas courageux pour autant. Ils sont hardis en paroles, mais deviennent vite lâches dès qu'il faut faire un brin d'effort. Tu es bien agressif, tu te crois fort par tes menaces, mais ton talent ne vaudra pas grand-chose face à une attaque. Vas-y, fais-moi des ennuis par tous les moyens, nuis-moi autant que tu peux, à découvert ou en cachette. Tu m'as traité de méchant serf, de traître et de déloyal, mais je peux te faire plus de mal que tu ne pourras jamais me faire. Je ne te demanderai pas de renoncer à me faire du mal ou à me causer des ennuis, mais je te recommande au diable pour qu'il contrarie tes plans. Robinet, va vite délier nos trois mâtins, et excite-les bien. » Le valet jette sa cape par terre, court vers les chiens dans la grange, et tranche le lien qui les retient au cou. Ils bondissent dans la cour. Il leur crie après, puis court derrière eux. Quand ils aperçoivent Renart, ils se mettent au grand galop, et lui foncent dessus en aboyant. Renart juge inutile d'attendre davantage quand il les voit arriver. Il sait bien que s'ils l'attrapent, ils ne lui feront pas de cadeau. Claviau s'acharne sur lui à coup de dent, et s'accroche à son oreille qui rougit en un rien de temps. Renart ne s'amuse guère à ce jeu. Corbeau prend le relais, et lui enfonce les dents dans la queue, qu'il perce de part en part, puis du côté du croupion, qu'il emboutit jusqu'à la chair. Renart ne s'est pas encore fait prendre, quand Tison arrive, et lui mord le dessus du dos, puis lui déchire sa pelisse rousse et épaisse. Il la pèle entièrement à toutes dents, puis le mord jusqu'à l'os. Renart a beaucoup de peine à s'extirper, il est couvert de plaies, et affaibli par les saignements. On peut le suivre à la trace. Il s'inquiète sur son sort, et ne sait que faire. Mais, pas question de jouer les paresseux, alors il prend son courage à deux mains. Personne ne lui prêtera secours, il sait que la mort est proche, car il lui reste peu de force contre les chiens. Il s'efforce de courir durement, et s'enfuit du mieux qu'il peut, quoi qu'on puisse en dire. Il s'en va vers Maupertuis à grands bonds, car il n'apprécie guère ses assaillants. | 17824 17828 17832 17836 17840 17844 17848 17852 17856 17860 17864 17868 17872 17876 17880 17884 17888 17892 17896 17900 17904 17908 | Et qui es .III. mastins se fie, A respondu par felonnie : « Renart, poi voi qui ce ne face Grant hardement est de menace. Ton pouoir fai sanz menacier. Je ne te pris pas .I. denier, Ne vos requier ne pes ne trives. Ne pris pas .II. fueilles de cives Ton menacier ne ton vanter. Sui je chaz a espovanter ? J'ai maintes menaces oïe, Ja por ce n'ert mains esjoïe Ma mesnie por ceste chose Ne nostre porte plus tost close. Je sui cil qui mains crient et doute Ton pouoir et ta force toute Que tu ne penses ne ne cuides, Bien voil que ton soit li estuides A moi nuire et a moi grever. Ja ne m'en feras main lever, N'ai peor ne garde de toi, Ja de tiex genz, si con je croi, Qui a poi d'efreor riens vaillent. Maint honme sont qui autre asaillent Par parole mout aigrement, Et si n'ont point de hardement. Par parole sont mout hardi, Mes tost resont acohardi Quant ce vient a .I. poi d'esfors. Tu es mout aigres, si es fors Par menaces, mes petit vaut Tes pooirs a .I. poi d'asaut. En touz mes nuisemenz te met, De moi nuire mes tant i met Et en apert et a celé. Tu m'as mavez serf apelé Et traïtor et desloial, Mes je te puis fere plus mal Que tu ne porroies moi fere. Ja nel te quier mes a retrere De moi fere mal et anui. Je te conmant a maufez hui Qui te puissent contralïer. Robinet, va tost deslïer Les .III. mastins et si les hue. » Li garz sa chape a terre rue, As mastins corut en la granche, Chascun lïen pres du col tranche. Li mastin saillent de la cort, Cil les huie qui aprés cort. Et quant orent Renart veü, Au grant cors se sont esmeü, Aprés lui corent abaiant. De l'ataindre est il noiant, Puis que Renart les vit venir, Bien set s'il le pueent tenir, Ne li feront pas ses aviax. Aprés lui s'escosse Claviax Si l'aert as denz par l'oreille, En poi d'eure li fist vremeille. Ne li fu mie li giex biax. Aprés cestui revint Corbiax, Les denz en la queue li boute Que il li a perciee toute, Et par de delez le crepon Li enbati jusqu'au broion. Par ceus ne fust ja retenuz, Se Tison n'i fust parvenuz Qui li mort et si li dessire Par desus le dos sa pelice Qui estoit rouse et grant et lee. Il l'a as denz toute pelee Et desiques a l'os l'a mors. A paines est d'ilec estors Renart qui fu mout deplaiez Et du seignier afleboiez. Sievre le pooit on par trace. Il est pensis, ne set que face. Bien set n'i a mestier perece, En son cuer a repris proece. Puis que secors ne li apreste, Bien set que la mort li est preste, Envers les chiens n'a nule force. De corre durement s'esforce, Au plus que onques puet s'enfuit, Qui que soit bel ne qui anuit. A Malpertuis s'en vint les sauz, Ne prise gaires lor assauz. |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire