dimanche 14 décembre 2014

Le pèlerinage de Renart - Les loups attaquent




Elle rassemble en peu de temps
E


n poi d'eure en i asembla
plus de cent loups qu'elle emmène
chez elle pour venger son loup.
Mais les autres ont déjà décampé,
alors les loups doivent les suivre à la trace.
Hersent, en tête, leur lance des menaces,
et jurent qu'ils les mangerons,
mais ils ne les trouveront nulle part.
Renart, qui entend les loups hurler,
fait hâter ses compagnons :
« Seigneurs, dit-il, allez plus vite ! »
L'archiprêtre se met à péter,
car il n'a jamais appris à courir.
Renart voit qu'il ne pourra ni les sauver,
ni les protéger, sinon par la ruse :
« Seigneurs, dit Renart, que faire ?
nous sommes tous perdus et bientôt morts.
Montons sur cet arbre feuillu,
pour qu'ils perdent notre trace.
Hersent est rudement en colère
à cause de son mari que nous avons tué.
— Ma foi, dit Belin le mouton,
je n'ai jamais appris à grimper. »
Bernard ajoute : « Je ne sais pas non plus.
— Seigneurs, le besoin fait souvent entreprendre
ou apprendre des choses,
dont on ne se préoccuperait pas auparavant
si on n'en avait pas grande utilité.
Faites vite, seigneurs, allez, montez !
je vous en prie, pensez à vous ! »
Renart grimpe en haut de l'arbre.
Quand les deux voient qu'il n'y a d'autre choix,
ils montent péniblement
et se perchent sur deux branches.
Voici, piquant des éperons,
Hersent et tous ses compagnons
qui arrivent sur place,
mais ils ont perdu leur trace,
à croire qu'ils sont partis sous terre.
Ils ne savent plus où aller chercher.
Las de s'être donnés tant de peine,
ils se couchent juste sous l'arbre.
Belin regarde les loups,
il n'est pas étonnant qu'il soit effrayé :
« Hélas ! fait-il, comme je suis malheureux !
comme j'aimerais être avec mes brebis. »
L'archiprêtre dit : « Je suis en peine,
je n'ai pas l'habitude d'être dans un endroit pareil,
je voudrais pouvoir me tourner de l'autre côté. »
Renart se met à les réprimander :
« Vous pouvez vous retourner, fait-il,
mais ça se retournera contre vous. »
Bernard dit : « Je vais me tourner quand même. »
Belin ajoute : « Je vais le faire aussi.
— Eh bien, tournez-vous, je vous laisse faire. »
Chacun retourne sa masse
mais il n'arrivent pas à se maintenir,
et ne peuvent s'empêcher de tomber à terre.
Bernard écrase quatre loups,
et Belin en tue deux.
Les autres loups sont terrorisés
à la vue de leurs compagnons morts,
l'un s'enfuit par ici, et l'autre par là.
Renart les regarde
et s'écrie : « Taïaut, taïaut !
tiens-les, Belin ! prends-les, Bernard ! »
Les loups s'enfuirent à toute vitesse
le long du chemin sur la droite,
et même pour cinquante marcs d'argent,
Hersent ne se retournerait pas.
Renart, qui est toujours en haut de l'arbre,
redescend vers ses compagnons :
« Seigneurs, fait-il, comment allez-vous ?
Alors, ne vous ai-je pas sauvés de la mort ?
Y en a-t-il un de blessé parmi vous ? »
Bernard répond : « Je suis mal en point,
je ne peux aller plus loin,
il faut que je rentre. »
Belin ajoute : « Je vais faire pareil.
Je ne serai jamais pèlerin.
— Seigneur, dit Renart, par ma tête,
voilà une aventure pénible et ingrate.
Mais il y a dans le monde quantité d'honnêtes gens
qui n'ont encore jamais été à Rome.
Certains sont même revenus du pèlerinage aux Sept Saints
pires qu'ils ne l'étaient avant.
Je vais aussi m'en retourner,
puis je vivrai de mon labeur
pour gagner honnêtement ma vie,
et faire le bien pour les pauvres gens. »
Alors, ils s'écrient ensemble : « En avant toute ! »
et prennent le chemin du retour.


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Plus de cent qu'avec lui mena
A l'ostel por le leu vengier.
Mes il se sont mis au frapier,
Et les leus les sievent par trace,
Hersent devant mout les menace,
Et jurent qu'il les mengeront ;
Ja en cel lieu nes troveront.
Renart qui ot les leus huler
Ses compaignons prant a hester :
« Seignors, dist il, venez grant erre ! »
L'arceprestre conmence a poire,
Qui n'avoit pas apris a corre.
Renart voit qu'il nes puet secorre,
Ne garder se par enging non :
« Seignor, dist Renart, que feron ?
Tuit somes mort et confondu.
Monton sor cest arbre foillu,
S'en avront la trace perdue.
Hersent est forment irascue
Por son seignor que mort avon.
— Par foi, dist Belin le mouton,
Je n'apris onques a ramper. »
Dist Bernart : « Je ne sai monter.
— Seignor, besoing fet mout emprandre
Et tel chose sovent aprendre
Que ja ne s'en entremetroient,
Se tres grant besoing n'en avoient.
Fetes, seignor, montez, montez !
Se vos volez, de vos pensez ! »
Renart monta en l'arbre sus.
Quant il virent qu'il n'i a plus,
A quelque painne sus monterent,
Desus .II. branches s'encroerent.
Es vos poingnant a esperons
Hersent et toz ses compaignons.
Quant il sont venuz en la place,
Si en ont perdue la trace ;
Puis dient entrez sont en terre,
Nes sevent mes ou aler querre.
Lassez se sont et traveilliez,
Desoz l'arbre se sont couchiez.
Belin, qui les leus esgarda,
N'est merveille s'il s'esmaia :
« Ha ! las, fet il, tant sui chaitis !
Or vosisse estre a mes brebis. »
Dist l'arceprestre : « Je me dueil.
Tel ostel pas avoir ne sueil ;
Je me voil d'autre part torner. »
Renart les conmence a blasmer :
« Vos porrez, fet il, tel tor fere,
Qui vos tornera a contrere. »
Dist Bernart : « Je me torneré. »
Dist Belin : « Et je si feré.
— Or vos tornez, qar je vos les. »
Cil se tornent tout a .I. fes
Qu'i ne se sorent soustenir :
A terre les covint venir.
Bernart esquacha .IIII. leus,
Et Belin en retua deus,
Et li autre leu mout s'esmaient
De lor compaignons que mort voient ;
Fuit s'en l'un ça et l'autre la.
Et Renart qui les esgarda
S'est escrïez : « La hart, la hart !
Tien les, Belin ! pran les, Bernart ! »
Et li leu s'enfuient grant erre,
Tout le chemin s'en vont a destre,
Et por .L. mars d'argent
N'en retornast .I. por Hersent.
Renart qui fu en l'arbre sus,
A ses compaignons descent jus :
« Seignors, fet il, que fetes vos ?
Ai vos bien de la mort rescous ?
A il or nus de vos bleciez ? »
Dist Bernart : « Je sui mehaingniez ;
Je ne puis mes avant aler,
Ariere m'estuet retorner. »
Dist Belin : « Et je si ferai.
Ja mes pelerin ne serai.
— Seignor, dist Renart, par mon chief,
Ci a oevre pesant et grief.
Il a au siecle maint preudonme
C'onques encor ne fu a Ronme ;
Tiex est revenuz de .VII. sains,
Qui est pire que ne fu ains.
Je me metrai en mon retor,
Et si vivrai de mon labor
Et gaaingnerai loiaument,
Si ferai bien a povre gent. »
Lors ont crïé : « Outree, outree ! »
Si ont fete la retornee.
Le pèlerinage de Renart quand il alla à Rome Ci conmance le pelerinage Renart con il ala a Rome (25)
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