lundi 29 juillet 2013

Ysengrin, l'ours Patou et le paysan - Un jambon pour trois




J'aimerais vous raconter quelques vers,
J


e vos voil uns vers conmencier,
mais j'ai peur de vous ennuyer avec.
Je me tairai si vous voulez,
mais si vous préférez, je vous dirai
ce qui est arrivé à Ysengrin
par un beau matin après s'être levé.
Dame Hersent avait bien pris soin de lui,
et il s'était remis de ses douleurs.
Il est maintenant bien gras, ragaillardi,
et tout aussi félon, hardi et orgueilleux.
Il s'en va à grande allure
à travers le bois où il habite,
et rencontre en route
un paysan, qui a trouvé
un jambon tombé
de la charrette de deux ermites.
Il le tient derrière lui avec une corde.
Ysengrin arrive vers lui :
« Où vas-tu ? dit-il, halte-là !
— Pourquoi ? fait l'autre. — Ma foi, pour cela.
Où as-tu volé ce jambon ?
— En vérité, dit-il, je l'ai trouvé.
— Trouvé ? alors j'ai droit à une part,
d'un bout à l'autre, et jusqu'à la corde. »
Le paysan lui répond : « Ma foi,
seigneur Ysengrin, je veux bien. »
Les deux barons se sont donc mis d'accord
en un rien de temps sur le jambon.
Pendant qu'ils discutent
et cherchent comment le partager,
voici à son tour, un ours
qui vient à pleine course.
Quand il arrive sur eux,
il tombe en arrêt sur le jambon :
« À qui donc est ce jambon, seigneur loup ?
— Seigneur, répond-il, il est à nous deux.
— Je veux avoir ma part, dit-il,
en toute amitié bien sûr, et sans vous forcer. »
Le paysan lui répond : « J'accepte.
— Ma foi, moi aussi, lui dit le loup.
Soyons donc associés
tous trois, et puis partageons-le.
— Seigneurs, dit-il, merci à vous.
Vous avez fait de moi votre ami,
mettez-le donc là sur mon dos,
et je l'emporterai dans ce bois,
car si quelqu'un survenait,
il aurait vite fait de vouloir nous en prendre. »
Sur ce, ils lui mettent sur le dos,
et retournent dans le bois.
Puis ils jettent le jambon sur l'herbe,
et les trois compagnons discutent
comment le partager avec équité.
L'ours, qui est le plus intelligent,
leur dit puisque rien n'est arrêté :
« Seigneurs, si vous voulez mon avis,
nous allons plutôt le laisser là cette nuit, pendu
à ce hêtre qui est grand et beau.
Puis nous reviendrons demain matin,
et nous nous montrerons nos culs à tous les trois,
et celui qui aura le plus gros cul,
pourra emporter tout le jambon. »
Le loup dit : « D'accord.
— Ma foi, moi aussi, dit le paysan. »
Ils attachent le jambon en hauteur,
puis s'en vont tous les trois.
Le paysan arrive dans sa maison,
où l'attendent ses enfants :
« Où êtes-vous, dit-il, dame Aimée ?
— Je suis ici, seigneur, répond sa femme,
pourquoi avez-vous tant tardé ?
— Ma sœur, dit-il, c'est parce que j'ai trouvé
un bon jambon dans ce bois.
Je n'en ai jamais vu de si gros de mes propres yeux.
Mais nous sommes trois compagnons dessus,
savez-vous comment nous allons le partager ?
Demain matin, nous retournons là-bas tous les trois,
puis chacun montrera son cul aux autres,
et celui qui aura le plus gros cul
pourra emporter le jambon. »


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Mes je vos crien mout anuier ;
Se vos volez, je me teré,
Et se voulez, je parleré
Conment avint a Ysengrin
Qui se leva par .I. matin.
Dame Hersent l'ot bien gardé
Et de ses dolors respassé ;
Ore est tot cras et revelous,
Fel et hardiz et orgueillous ;
Grant aleüre s'en aloit.
Par mi cel bois ou il estoit,
En mi sa voie a encontré
.I. vilain qui avoit trové
.I. bacon qui estoit chaüz
De la charrete a .II. reclus ;
Il le tenoit devers la hart.
Ysengrin vint de l'autre part :
« O vas ? dist il, esta illeuc !
— Por qoi ? fait il. — Par foi, poreuc :
Ou as tu cel bacon enblé ?
— Par foi, fait il, ainz l'ai trové.
— Trové ? dont i avré je part
D'outre en outre jusqu'a la hart. »
Dist li vilain : « En moie foi,
Sire Ysengrin, et je l'otroi. »
 Acompaingnié sont li baron
En poi d'eure por le bacon.
Endementiers que il parlaient
Et que il departir volaient,
Estes vos d'autre part .I. ors
Qui lor est venuz a plain cors.
Si con il fu illec venuz,
Sor le bacon s'est arestuz :
« Et qui est cil bacon, dant lous ?
— Sire, dist il, c'est a nos deus.
— J'en voil, dist il, ma part avoir,
Par amistié, non par pooir. »
Dist li vilains : « Et je l'otroi.
— Et je, ce dit li leus, par foi.
Or en soion dont compaingnon
Tuit .III. et bien le departon.
— Seignor, dist il, vostre merci.
Conquis m'avez a vostre ami.
Or le metez ci sor mon dos,
Je l'enporteré en cel bos,
Qar tiex i porroit sorvenir
Qui tost le nos voudroit tolir. »
A tant li ont sor le dos mis,
El bois se sont ariere mis ;
Sor l'erbe jetent li bacon,
S'en parolent li compaingnon
Conment il soit partiz a droit.
Li ors, qui plus sages estoit,
Lor dist, qu'il n'i est arestez :
« Seignor, se mon conseil creez,
Enhui mes le leron pendant
A cest fou qui est bel et grant,
Et le matin ci revendron,
Et trestuit .III. nos cus mostron ;
Et cil qui graingnor cul avra,
Le bacon tout en portera. »
Ce dit li leus : « Et je l'otroi.
— Et je, dist li vilains, par foi. »
Le bacon ont en haut levé
Et puis s'en sont tuit .III. alé.
Li vilain vint en sa meson
Ou l'atendent si enfançon :
« Ou estes vos, dist il, dame Ame ?
— Je sui ci, sire, dist sa fame,
Por quoi avez tant demoré ?
— Suer, dist il, que je ai trové
.I. bon bacon enz en cel bos,
Ainz de mes eulz ne vi si gros ;
Mes nos somes .III. compaingnon
Sez conment nos le partiron ?
Le matin iron la tuit troi,
Si mosterron nos cus tuit troi ;
Qui graingnor cul porra mostrer
Le bacon en porra porter. »
L'ours, le loup et le paysan qui montrèrent leur cul De l'ours et du lou et du vilain qui monstrerent leur cus (17)
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