jeudi 6 décembre 2012

Le paysan Bertout - La famine à Maupertuis




Pierre, natif de Saint-Cloud,
P


ierres qui de Saint Clost fu nez,
après s'être donné tant de peine,
suite aux prières de ses amis,
a mis en rimes pour nous
une plaisanterie ou plutôt une moquerie
de Renart, lui qui connaît tant de ruses,
ce sale nabot, ce mécréant,
par qui ont été trompés
tant de barons qu'on n'en sait plus le compte.
Je vais maintenant commencer l'histoire
pour qui veut bien l'entendre,
sachez qu'il y a beaucoup à en apprendre,
comme je le crois vraiment,
si on met toute son attention à l'écouter.
Ça se passe en mai, à cette époque
où, les fleurs apparaissent dans les buissons,
les prés et les bois reverdissent,
et les oiseaux chantent sans répit,
toute la journée et toute la nuit.
Renart est en villégiature
dans sa forteresse à Maupertuis.
Mais il est dans une très grande détresse
car il n'a plus de provisions.
Sa famille est si mal en point
que tous crient famine avec vigueur.
Sa femme Hermeline en particulier,
qui est de nouveau enceinte,
est si diminuée par la faim
qu'elle ne sait quoi faire.
Renart fait alors ses préparatifs
pour aller chercher des vivres.
Il part tout seul de sa maison,
et jure qu'il ne reviendra pas
avant de rapporter assez
de nourriture pour que sa famille puisse manger.
Il s'éloigne du grand chemin à gauche,
et va à travers la forêt,
car cela ne lui sied guère, ni ne lui plaît vraiment,
de rester sur un chemin ou un sentier.
Il connaît bien le bois tout entier
pour l'avoir parcouru maintes fois.
Et il marche jusqu'à ce qu'il arrive
en bas du bois, dans la prairie.
« Dieu, dit Renart, Sainte Marie,
où peut-on trouver de si bel endroit ?
Je pense que c'est le paradis terrestre.
Il ferait bon séjourner ici
pour qui aurait assez à manger.
Voyez donc ce bois et ce ruisseau,
jamais vraiment en a-t-on vu d'aussi beaux.
Voyez comme il est vert et fleuri !
Puisse l'Esprit Saint me venir en aide,
car je m'y allongerais bien volontiers
si je n'avais pas tant à faire,
comme on dit : le besoin fait trotter la vieille. »
À ces mots, il se met à galoper.
Il s'en va triste et malheureux,
car la faim qu'il a aux dents,
celle qui chasse le loup du bois,
le fait partir contre son gré.
Il s'en va en descendant par les prés,
puis observe monts et vaux
pour voir s'il n'y pas quelque part
ce qui lui ferait bien plaisir :
un oiseau, un lièvre ou un lapin.
Il marche longtemps, et arrive sur un chemin
qui va vers un village.
Il suit le chemin, et quand il voit
le village, il jure alors sur sa tête,
n'en déplaise à quiconque,
qu'il va y aller directement,
car il pense bien y trouver
quelque chose qui lui sera utile.
Il quitte le chemin
et arrive aux abords du village.
Il s'y connaît assez en ruse
pour ne pas être vu.
À travers les haies et les sureaux,
il s'en va au pas, en reniflant le vent,
tout en suppliant Dieu avec ferveur,
de le préserver de la capture,
et de lui envoyer assez de vivres
qui puissent réjouir sa femme,
ses enfants, et toute sa maisonnée.
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S'est tant traveilliez et penez
Par proiere de ses amis
Que il nos a en rime mis
Une risee et .I. gabet
De Renart qui tant set d'abet,
Le puant naim, le descreü,
Par qui ont esté deceü
Tant baron que n'en sai le conte.
Des or conmenceré le conte,
Se il est qui i voille entendre ;
Sachiez, mout i porra aprandre,
Si con je cuit et con je pens,
Se a l'escouter met son sens.
 Ce fu en may en cel termine
Que la flor monte en l'espine,
Prez reverdissent et li bos,
Et oisiax chantent sanz repos
Et toute nuit et toute jor.
Et Renart estoit a sejor
A Malpertuis sa forterece.
Mes mout estoit en grant destrece
Que de garison n'avoit point ;
Sa mesnie ert en si mal point
Que de fain crioit durement.
Sa fame Hermeline ensement,
Qui estoit de novel ençainte,
Et estoit si de fain atainte
Qu'el ne se savoit conseillier ;
Lors se prent a apareillier
Renart por querre garison.
Tout seus s'en ist de sa meson
Et jure qu'il ne revendra
Jusque a tant qu'il aportera
Viande a sa mesnie pestre.
Le grant chemin torne a senestre
Et va en travers la forest,
Que ne li siet ne ne li plest
A tenir chemin ne sentier.
Bien savoit le bois tot entier,
Que mainte foiz l'avoit alé.
Tant ala que est avalé
Soz le bois en la praierie.
« Diex, dist Renart, sainte Marie,
Ou fu trovez icist biax estres ?
Je cuit c'est paradis terrestres ;
Ici feroit bon herbergier
Qui assez aroit a mengier.
Vez ci le bois et le ruissel ;
Onques voir ne vit nul si bel,
Vez con il est vers et floriz !
Issi m'aït sainz Esperiz,
Que mout volentiers m'i geüsse,
Se je si grant besoing n'eüsse :
Besoing si fet vielle troter. »
A ce mot prent a galoper,
Si s'en part tristres et dolenz.
Mes la fain qu'il avoit as denz,
Qui enchace le leu du bois,
L'en fet partir desor son pois.
Par les prez s'en vet contre val,
Mout regarde a mont et a val
Por veoir s'en nul lieu veïst
Qui a son cuer bien li seïst,
Oisel ou lievre ou conin.
Tant va qu'il entre en .I. chemin
Qui vers une vile aloit.
Le chemin sieut et quant il voit
La vile, si jure son chief,
Qui que soit bel ne qui que griet,
Droit en la vile en ira ;
Bien cuide qu'il i trovera
Chose qui li avra mestier.
Let le chemin et le sentier,
Quant venuz est pres de la vile,
Cil qui savoit assez de guile
Qui ne volt pas estre seüz,
Par ces haies, par ces seüz
S'en va le pas sentant le vent.
Durement va Dieu reclamant
Qu'il li gart son cors de prison
Et li envoit tel garison
Dont il face sa fame lie
Et ses enfanz et sa mesnie.
Comment Nobles, Renart et Ysengrin partagèrent la proie Ci conmance si conme Nobles, Renart et Ysangrin partirent la proie (14)
Notes de traduction (afficher)

1 commentaire:

  1. merci beaucoup beaucoup! j'en fais lire un extrait à mes eleves de cm1 demain. Je suis ravie :)

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