un ban qui cautionne et enjoint quiconque pourra tenir Renart, de ne pas le faire venir à la cour, ni d'attendre ni roi ni comte, mais de le saisir et de le pendre sur-le-champ. Tout cela est bien peu de chose pour Renart, qui s'en va en fuyant par un essart. Il avance toutefois d'un petit pas hésitant, tout en regardant autour de lui. Il tourne la tête vers l'orient, et s'arrête en bas d'une haute colline. Il n'est pas étonnant qu'il se méfie, et qu'il prenne garde de toutes les bêtes. Renart dit alors une prière qui lui sera chère et précieuse : « Ah ! Dieu de la Sainte Trinité, qui m'a tiré de maints périls, qui a souffert de me voir faire tant de mal que je n'aurais jamais dû faire, protège dorénavant ma personne par un saint et solennel commandement, puis arrange moi de telle manière ou change mon apparence, pour qu'il n'y ait de bête qui me voit et sache dire qui je suis. » Il incline la tête vers l'orient, se donne un grand coup dans la poitrine, lève la patte, se signe, puis part à travers collines et montagnes. Mais il souffre de la faim et en ressent une grand détresse. Aux abords d'un village, il se dirige alors vers la maison d'un teinturier qui connaît très bien son métier. Celui-ci a dissous de la teinture et l'a préparée du mieux qu'il peut, il l'a fait pour teindre en jaune. Puis il est allé chercher une aune précise pour mesurer le drap qu'il veut plonger dans la cuve. Il l'a laissée découverte et a ouvert la fenêtre, pour voir quand sa teinture sera nette et pure. Renart entre dans la cour par un trou, pour chercher une proie à l'intention de son ventre. Il parcourt le courtil tout entier et fouille de toutes parts, mais ne peut trouver de quoi manger. Il s'introduit alors par la fenêtre et se cache, il ne voit âme qui vive là-dedans. Il saute à pieds joints à l'intérieur, et il est pris de frayeur, et voit même sa fin arriver. Écoutez comment le diable lui fait obstacle ! Il s'est fait tromper et maltraiter, car il tombe dans la cuve. Il se retrouve au fond mais n'y reste point, et s'élance rapidement vers le haut. La cuve est assez profonde, alors il doit nager en surface pour ne pas couler. | 7864 7868 7872 7876 7880 7884 7888 7892 7896 7900 7904 7908 7912 7916 7920 | Son ban, plevir et afïer Que, qui Renart porra tenir, Que ne le face a cort venir, Que roi ne conte n'i atende, Mes erroment le praigne et pende. Et de ce fu pou a Renart, Fuiant s'en va par .I. essart. Son petit pas s'en vet tardant, Environ lui vet regardant. Vers oriant torne sa teste, Desoz .I. haut tertre s'areste. N'est merveille s'il se regarde, Qu'il a de toutes bestes garde. Lors dist Renart une prïere Qui mout ert precieuse et chiere : « Ha ! Diex, qui mains en Trinité, Qui de maint peril m'as geté, Qui m'as soufert tant mal a fere Que ne deüsse mie fere, Garde mon cors d'ui en avant Par le ton saint digne conmant, Et si m'atorne en tele guise, Et en maniere me devise Qu'il ne soit beste qui me voie, Qui sache a dire qui ge soie. » Vers oriant sa teste encline, Grant cox se donne en la poitrine, Drece la poue, si se saigne, Va s'en le tertre et la montaingne. Mes de fain suefre grant destrece ; Vers une vile si s'adrece En la meson d'un tainturier Qui mout savoit de son mestier. Sa tainture avoit destrempee, Et au miex qu'il pot atornee ; Fete l'avoit por taindre en jaune. Alé fu querre une droite aune Dont il voloit son drap auner Qu'en la cuve vouloit geter. Lessiee l'avoit descouverte, Et la fenestre estoit ouverte Dont il veoit a sa tainture Quant elle estoit et nete et pure. Par .I. pertuis en la cort entre Por querre proie a eus son ventre ; Le cortil a trestout cerchié Et de toutes parz reverchié, Ne puet trover que il menjuce. Par mi la fenestre se muce, Renart ne voit ame dedenz. Il joint les piez, si sailli enz ; Esbahiz fu, si vit son ombre. Oez conme maufez l'encomble ! Maubailliz fu et deceüz, Car dedenz la cuve est cheüz ; Au fons s'en va, mes poi demeure, Isnelement rest sailli seure. La cuve a auques de parfont, Desus noe que il n'afont. |
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