au contraire, je suis tombé. Mais dites moi donc, pourquoi n'avez-vous pas bondi dehors, alors que vous mangiez des gros morceaux ? Dites à Brichemer que je reste là. Je ne peux plus faire mon serment, car tous ces paysans nous pourchassent, j'entends d'ici qu'ils nous menacent. Allez-vous en, Brun, très cher seigneur, vous avez bien besoin d'un médecin. Gardez-vous de tarder plus, j'ai pour vous une grande pitié. » Brun écoute Renart, et ne sait que dire, peu s'en faut qu'il n'enrage de colère. Tandis que Renart et Brun parlementent, les paysans coupent du bois pour faire des bâtons et des massues. Brun regarde du côté des allées et voit l'arrière-ban venir. Ils menacent sérieusement de le saisir. « Tibert, dit Brun, c'est le moment d'y aller, ou nous pourrions avoir à séjourner trop ici. » Alors ils s'en vont, et Renart reste. Il a souvent manqué de plus grands engagements. Ils s'enfuient jusqu'au corps de troupes, mais les paysans rappliquent vite. Quand Brichemer voit l'ours saigner, il se met alors à se signer. L'ours n'a même plus ses oreilles, la cour toute entière s'en étonne, et Tibert n'a plus de queue ! Ce pays a donc le mauvais œil. Pendant que Brun fait ses complaintes, voici venir à travers la plaine seigneur Gombert tout plein de rage, qui se tord les mains, et s'arrache les cheveux. Plus d'une centaine de parents qui ont tous dit et promis que jamais ils ne s'arrêteront avant d'avoir trouvé Brun, menacent seigneur Tibert et maître Renart de les pendre à une corde. À ces paroles, et sur ces mots, voici que s'approche Gombert, plus vite qu'au trot, avec ses parents et ses amis. Alors Brun se remet en route car il redoute énormément les coups des paysans. C'est le fils Gilain qui l'a pris, avec Aimery de la Ruelle, Fernery Vidécuelle, Tigier Brisefouace, et Heudebert, qui vit sur la glace, qui d'ailleurs a battu la peau de Tibert, ce dont Renart fut bien content. Puis tous les animaux s'enfuient, car les paysans leur crient après, lancent des flèches barbelées longues et larges, en grand nombre. L'une d'elles tombe sur Brichemer, qui aurait encore préféré être dans la mer. Une autre tombe sur Ronel, qui bondit vite fait sur ses pattes. Il faisait le mort pour tromper Renart le roux qu'il voulait manger. Il s'était fait passer pour un saint, mais Renart le fera trembler ainsi que tous les autres traîtres, en dépit de Tibert et seigneur Brun l'ours. | 5380 5384 5388 5392 5396 5400 5404 5408 5412 5416 5420 5424 5428 5432 5436 5440 5444 | Ançois chaï, or dites donques, Que ne saillistes vos ça fors, Quant vos mengïez les granz mors ? Dites Brichemer, je li mant, Ne puis fere mon serement, Que cil vilain toz nos dechacent, Je oi deci qu'il nos menacent. Alez vos ent, Brun, biaus doz sire, Vos avez bien mestier de mire. Gardez ne soit plus respitié, Je ai de vos mout grant pitié. » Bruns ot Renart, ne set que dire, Par poi que il n'esrage d'ire. Que que Renart et Brun parloient, Et li vilain le bois coupoient Por fere bastons et maçues. Brun regarde devers les rues Et voit l'ariere-ban venir. Mout le menacent a tenir. « Tybert, dist Bruns, or de l'aler, Trop i porrions demorer. » Or s'en vont cil, Renart remaint, Plus grant covent a il faint maint. Cil s'en fuient trusques a l'ost, Et li vilain retornent tost. Quant Brichemer vit l'ors seignier, Si se conmença a seignier, Et il n'aporte nule oreille, Trestote la cort s'en merveille, Et Tybert qui n'a point de queue, Or va la terre male veue. Que que Bruns fesoit ses complains, A tant es vos par mi les plains Sire Gonberz toz plains de rage, Ses poinz detort, ses cheveus sache, Et plus d'un .C. du parenté Qui tuit ont dit et greanté Que ja mes jor ne fineront Devant que Brun trouvé avront, Et dant Tybert et dant Renart Menacent que pendront a hart. A ces paroles, a cest mot, Es vos Gonbert plus que le trot, Et ses parenz et ses amis. Et Brun s'est a la voie mis Qui mout doute coup de vilain. Tenu l'avoit le filz Gilain, Et Aymeris de la Ruele, Et Ferneris Vide-escuele, Il et Tygiers Brisefouace, Et Houdeberz qui siet sor glace, Qui Tybert ot batu la pel, Dont Renart fu et bon et bel. Por ce ensemble tuit s'en fuient, Et li vilain aprés les huient, Traient saietes barbelees Menuement et granz et lees. Li une chiet sor Brichemer, Miex vosist estre dedenz mer. Li autre chiet sor Roonel, Et il saut sus tost et isnel. Mort se fesoit por engingnier, Renart le rous voloit mengier. Il se fera saint apeler, Mes Renart le fera trembler Et toz les autres traïtors Mau gré Tybert et dant Brun l'ors. |
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