lundi 9 août 2010

Primaut fait prêtre - La justification de Renart




Quand Renart voit qu'il veut se disputer,
Q


uant Renart voit qu'il velt tencier,
il prend un ton plus doux,
puis fait semblant d'avoir peur.
Il répond alors en tremblant :
« Seigneur, fait-il, par la grâce de Dieu,
nous sommes ici entre vous et moi,
seul à seul dans cette endroit.
Je vois bien la honte que vous pourriez me faire.
Mais, foi que je dois à mon épouse,
la noble Hermeline, louée par tous,
et Malebranche, et Percehaie,
je ne me rappelle pas avoir
fait une quelconque chose de mal envers vous,
pour laquelle vous me tenez un tel discours.
Et pour toute la foi que je dois à Sainte Marie,
je n'ai jamais rebouché le trou,
mais le prêtre quand il vous a entendu
l'a rebouché, je l'ai vu en effet.
Je n'ai jamais voulu le laisser faire,
alors j'ai commencé à lui crier
de ne pas le reboucher pour l'amour de Dieu.
Mais il m'a dit de telles grossièretés,
et que s'il pouvait m'attraper,
il me ferait sentir sa colère.
Quand j'ai vu qu'il s'armait,
ce qui ne me rassurait pas du tout,
et que je ne pouvais plus aller vers vous,
alors je me suis mis à dévaler
les chemins par petits bonds,
jusqu'à ce que j'arrive au bois.
Il n'y a aucune autre explication.
Et, je vous ai attendu sous ce chêne,
plein de colère et de dépit.
Je me doutais sincèrement
que le prêtre vous frapperait,
et qu'il faudrait vous battre contre lui,
et résister et souffrir,
car vous ne pouviez pas vous échapper à cause de lui.
Pour l'amour du Saint-Esprit,
je vous ai dit la vérité,
et les paroles que vous avez tenues jusqu'ici
ne sont pas avérées; que Dieu l'atteste.
Puis je n'ai pas arrêté de pleurer,
car je voyais que vous tardiez.
J'ai eu très peur, que Dieu me protège,
que vous n'ayez pu faire un saut,
que vous ne soyez pas arrivé ainsi,
et qu'ils vous aient retenu.
Mais ils ne l'ont pas fait, ainsi que je le vois. »
Voilà comment s'excuse celui qui tremble
de peur que l'autre ne l'attaque.
Alors Primaut lui répond qu'assurément,
il a ressenti une grande pitié
de l'avoir vu pleurer ainsi.
Et il lui dit : « Renart, je veux bien vous croire,
ne soyez plus effrayé maintenant,
et n'ayez peur de personne,
au contraire, soyez complètement rassuré.
Je vais causer du tort au prêtre,
j'en ai pour le moins la plus grande intention.
J'ai l'aube, la chasuble décorée,
l'amict, le fanon, et la ceinture.
Quand il voudra chanter la messe,
il devra en emprunter d'autres,
car, par la foi que je dois à saint Protais,
il ne les reverra jamais
ces vêtements que vous voyez ici.
— Ma foi, seigneur, si vous me faites confiance,
je vais vous dire ce que nous ferons,
fait Renart; nous les porterons
demain matin à la foire,
au mépris du prêtre, sous son nez,
et nous les vendrons à bon prix, ainsi que je le crois.
— Renart, dit Primaut, je suis d'accord.
Cependant, écoutez et ne vous fâchez pas,
mais reposons-nous ici plutôt, cette nuit,
car j'ai grand besoin de repos.
Ma chair et mes os me font beaucoup souffrir,
parce que j'ai été tant frappé
de tous ces coups que j'ai reçus.
Reposons-nous ici, dans la pente,
et levons-nous demain matin
juste à la pointe du jour,
dès que l'aube percera,
et allons-nous-en droit à la foire.
Si en chemin nous trouvons le prêtre,
et qu'il veut les avoir en nous les achetant,
vendons les lui, puis nous lui dirons la vérité !
Ensuite, nous partagerons avec bienveillance
ce que nous deux auront gagné,
si bien que l'un et l'autre seront quittes.
— Ma foi, dit Renart, vous avez bien parlé. »
3136



3140



3144



3148



3152



3156



3160



3164



3168



3172



3176



3180



3184



3188



3192



3196



3200



3204



3208



3212



3216



3220



3224

Sa parole prent a gencier,
Et si fet de peor semblant,
Si li respondi en tremblant :
« Sire, fet il, por Deu merci,
Entre moi et vos sonmes ci
Tot sol a sol en cest repere.
Bien voi honte me pouez fere,
Mes foi que je doi m'espousee
Herme la franche, la loee,
Et Malebranche et Percehaie,
Je ne me recort pas que j'aie
Envers vos nule riens mesfet,
Par qoi vos me movez tel plet.
Et foi que doi sainte Marie,
Le pertuis n'estoupai je mie,
Mes li prestres qui vos oï
Si l'estoupa, car je le vi.
Onques por moi nel volt lessier,
Si li conmençai a huchier
Que por Dieu ne l'estoupast mie,
Et il me dist tel vilanie
Que se il me pouoit tenir,
Il me feroit son gieu puïr.
Et quant je vi que il s'armoit
Et que point ne m'aseüroit
Et qu'a vos ne pouoie aler,
Lors si m'en pris a devaler
Par ces destroiz les sauz menuz
Tant que au bois m'en sui venuz.
Onques n'i ot tenue resne,
Atendu vos ai soz cest chesne,
Tot plain d'ire et de mautalent,
Que bien pensoie voirement
Que li prestres vos feroit batre,
Et qu'a lui covendroit combatre,
Et tout endurer et soufrir :
Par el n'en pouïez partir.
Foi que je doi sainte Esperite,
La verité vos en ai dite,
Parole n'en dis jusque ci
Voire n'en fust, a Dieu l'afi.
Onc puis ne finai de plorer
Que je vos vi tant demorer.
Grant peor oi, se Diex me saut,
Que vos n'eüssiez fet .I. saut,
Et que ne fust si avenu
Qu'il vos eüssent retenu ;
Mes non ont pas, si con moi semble. »
Einsi s'escuse cil qui tremble
De peor que cil ne l'asaille,
Et Primaut li respont sanz faille
Qui grant pitié en a eü
Por ce que plorer l'a veü,
Et dist : « Renart, bien vos en croi.
Or ne soiez pas en esfroi
Et n'aiez de nului peür,
Mes soiez trestout asseür.
Je feré au prestre donmage,
Au mains en ai ge grant corage.
J'ai l'aube, la chasuble painte,
L'amist, le fanon, la sorçainte.
Quant il vodra messe chanter,
Autre li estuet enprunter,
Car foi que je doi saint Protés,
Il ne les avera ja mes
Ces vestemenz que ci veez.
— Par foi, sire se me creez,
Je vos diré que nos ferons,
Fet Renart, nos les porterons
Demain a matin a la foire,
Tot mau gré le nes au provoire,
Bien les vendrons, si con je croi.
— Renart, dist Primaut, je l'otroi.
Mes or escoute, ne t'anuit,
Reposon nos ci mes anuit,
Que grant mestier ai de repos.
Mout me delt la char et les os,
Por ce que ai esté tant batuz,
Et des coux que j'ai receüz ;
Si nos reposon ci aclin,
Et demain si levon matin
Tot droit einsi a l'ajornee,
Si con l'aube sera crevee,
Si en alon droit a la foire,
S'en voie trovon le provoire
Qui par achat les voille avoir.
Vendon les, si feron savoir,
Et debonnerement parton
Ice que nos deus en avron
Si que l'un soit vers l'autre quites.
— Par foi, dist Renart, mout bien dites. »
Comment Renart fit Primaut, le frère d'Ysengrin, prêtre Si conme Renart fist Primaut le frere Ysangrin prestre (7)
Notes de traduction (afficher)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire