quand il fait doux et beau, tout juste aux environs de l'Ascension. Renart est dans sa maison sans provisions ni victuailles. Il a une telle fringale qu'il en bâille, et son corps lui fait très mal à cause de la faim. Il sort à l'extérieur de Maupertuis et s'en va à toute allure, puis se précipite dans un enclos. Son courage est très faible et il est irrité. Il rencontre Tibert le chat, et lui adresse la parole aussitôt : « Tibert, fait-il, mon cher ami, quel bon vent vous amène ? dites-moi. — Ma foi, seigneur, fait Tibert, j'ai entrepris de faire route chez un paysan à côté de cette haie que vous voyez là devant vous. Le paysan a, je vous en donne ma parole, une femme qu'il aime tant, que rien qu'elle veuille, ni tant ni combien, il ne lui refuse, aussi laid que ce soit. Elle a caché un pot plein de lait dans une huche, et je m'en vais là-bas en toute hâte à travers ce bois, pour voir si je pourrais en obtenir. Et si vous voulez venir avec moi, je vous emmènerai dans la maison. Soyez mon compagnon en toute confiance. Il y a des poules et des chapons. » Renart répond : « J'irai là-bas très volontiers, je vous l'assure. » Sur ce, ils se mettent en route, évidemment à toute allure, jusqu'à ce qu'ils arrivent vers la maison, tout doucement, à pas feutrés. Alors, ils trouvent un pieu brisé, ils entrent à l'intérieur sans tarder. Renart va vers le poulailler car il ne veut plus suivre le chat. Tibert, qui en connaît beaucoup en tromperie se demande comment il pourra mener son affaire en privé : « Renart, dit Tibert le chat, tout homme tire avantage, qui s'y connaît en ruses. Il nous faut œuvrer avec habileté car nous ne pourrions réparer un tel gâchis, si nous perdons là ce que nous tenons entre nos mains. Le paysan dort fermement, comportons-nous prudemment à présent. Nous ne pouvons pas tout effectuer ensemble, le mieux à faire, ce me semble, est que l'un agisse avant, et l'autre ensuite, je vous assure. » Et Renart dit : « De toutes manières il sera fait ainsi que vous le voudrez. » Tibert dit : « Vous savez ce que vous ferez ? Vous viendrez dans la maison avec moi, car si vous allez seul vers les chapons, il y a là-bas de tels mâtins qui vous attaqueront s'ils prennent peur, et vous auront très vite attrapé. Et s'ils devaient vous blesser, j'en serais très irrité, ainsi que si je perdais mon affaire. Mais si vous souhaitez bien agir, venez ici avec moi jusqu'à ce qu'on ait réussi. Et si vous voulez avoir du lait, vous en aurez en grande quantité. » Renart dit : « Je ferai selon votre volonté, quoi qu'il doive arriver, il convient que je m'en tienne à vos conseils. Allez devant, j'irai après vous, sachez que je vous suivrai de près. » | 2212 2216 2220 2224 2228 2232 2236 2240 2244 2248 2252 2256 2260 2264 2268 2272 2276 2280 2284 | Que il fesoit seri et bel, Tot droit entor l'Acension, Que Renart fu en sa meson Sanz garison et sanz vitaille, Si a tel fain que il baaille, De la fain li delt mout le cors. De Malpertuis s'en issi fors Et s'en ala tout eslessié, Si se feri en .I. plessié. Mout ot le cuer vain et iré. Tybert li chaz a encontré, Maintenant l'a a reson mis : « Tybert, fet il, biax douz amis, Quel vent vos mainne ? dites moi. — Sire, fet Tybert, par ma foi, Je avoie emprise ma voie Chiés .I. vilain lez cele haie Que vos veez la devant vous. Li vilain a, foi que doi vous, Une fame qu'il ainme tant Que riens qu'il voille tant ne quant Ne li contredit, tant soit let. Ele a mucié plain pot de let En une huche, et la m'en vois Tot eslessié par mi cel bois Savoir s'i porrai avenir. Et se tu veus o moi venir, Je te metrai en la meson. Par foi soies mon compaignon. Gelines et chapons i a. » Renart respont : « Et g'irai la, Je t'aseür, mout volentiers. » A tant se metent es sentiers Grant aleüre par reson Tant qu'il vindrent a la meson Tot belement le pas soué, Si ont trové .I. pel froé. Enz se metent sanz atargier. Renart vet vers le gelinier Que plus ne volt sievre le chat. Tybert qui mout sot de barat S'apensa conment porra fere Priveement le son afere. « Renart, ce dist Tyberz li chaz, Mout vaut hons qui set de baraz ; Par barat nos covient ovrer, Car ne porrions recovrer Ceste perte, se la perdons Ce que entre nos mains tenons. Le vilain se dort fermement, Or nos contenons sagement. Ne poon pas tot fere ensemble ; Le miex a fere, ce me semble, Si est que nos façons avant Et puis l'autre, je vos greant. » Et dist Renart : « En toz endroiz Fet ert einsi con vos vodroiz. » Et dist Tybert : « Sez que feras ; En la meson o moi venras, Car se tu seus vas as chapons, Il a çaiens de tiex gaingnons, Se il crïent, qui t'asaudront, Et mout tost retenu t'avront. Et se il t'avoient blecié, J'en seroie trop coroucié, Se je perdoie mon afere. Mes vien ça, se tu veus bien fere, Aveques moi tant q'aie fet, Et se tu veus avoir du let, Tu en avras a grant plenté. » Renart dist : « Vostre volenté Feré, que que doie avenir. A vostre los m'estuet tenir. Alez devant, g'irai aprés. Sachiez je vos sievré de pres. » |
2216: c'est "bâille" avec accent circonflexe, non?
RépondreSupprimer2272: "il y a là-bas de tels mâtins
qui, s'ils prennent peur, vous attaqueront
et vous auront très vite attrapé."
La syntaxe me semble étrange, à cause de "tels". Suggestion:
"(...) de tels mâtins
que, s'ils prennent peur, ils vous attaqueront"
2283: "quoi qu'il doive arriver" ("quoique" est synonyme de "bien que", ce n'est pas le cas ici)
Merci!
JA
C'est corrigé. Merci d'avoir signalé les fautes.
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