pour monter et descendre, il a bien l'habitude. Il s'agrippe à la croix avec ses griffes, puis grimpe en haut très rapidement, et s'assoit sur l'un des bras. Renart est à la fois pensif et malheureux, car il sait qu'il s'est bien moqué de lui. « Tibert, fait-il, mais qu'est-ce que cela ? — Ce n'est rien, dit Tibert, vraiment rien. Montez donc, et nous mangerons. — Ce serait avec grande difficulté, dit Renart, mais vous Tibert, venez en bas. Vous devriez très bien savoir qui doit avoir cette andouille, et ce qu'une telle chose représente. Elle ne doit pas être mangée ainsi avant d'avoir été partagée. Jetez donc ma portion par terre, car cela me donnerait trop de peine, s'il fallait que je monte là-haut. Soyez aimable à présent, et jetez-m'en autant que vous le souhaitez, vous serez alors quitte de votre promesse. — Renart, qu'est-ce que vous racontez ? Il me semble que vous soyez ivre, je ne le ferai pas pour cent livres. Vous devriez très bien savoir qu'une telle chose a une grande valeur, car c'est une chose sacrée. Elle ne doit pas être mangée ainsi sous une croix ni de même dans une église. Ici, on pourra bien la glorifier. — Cher seigneur Tibert, ne vous en faites pas. Et puis il y a peu de place en haut, nous ne pourrions pas y être ensemble. Mais faites preuve de quelque considération, puisque vous ne voulez pas venir en bas. Compère Tibert, vous le savez bien que vous m'avez donné votre parole de tenir des rapports loyaux. Des compagnons, s'ils sont ensemble et qu'ils trouvent quelque chose, doivent bien, ce me semble, partager entre eux, s'ils ne veulent pas trahir leurs engagements. Partagez cette andouille là-haut, puis jetez-moi ma part ci-dessous, j'en prendrai le péché sur moi. — Non, je ne le ferai pas, dit Tibert. Par ma foi, compère Renart, qu'est-ce que vous dites ? Vous êtes pire que les sodomites à me prier de jeter quelque chose, que l'on ne doit pas déshonorer. Par ma foi, je ne m'enivrerais jamais au point de vous la lancer à terre; je causerais grand tort à ma foi car cette chose est très sainte selon la religion. Elle a pour nom : andouille, vous le savez bien, et vous l'avez souvent entendu raconter. Je vais maintenant vous dire ce que vous allez faire : vous vous en passerez cette fois-ci, et je vous donne ici l'assurance que la prochaine que nous trouverons, sera alors à vous sans contrepartie, et vous ne m'en donnerez pas une miette. — Tibert, Tibert, lui dit Renart, tu tomberas un jour dans mes filets, à moins que tu m'en jettes un peu. » Alors, Tibert répond : « Je crois rêver ! Ne pouvez-vous donc pas attendre jusqu'à ce qu'il vous en tombe une bien tendre entre les pattes, et qui sera à vous sans contestation. Vous n'avez pas beaucoup de patience. | 2028 2032 2036 2040 2044 2048 2052 2056 2060 2064 2068 2072 2076 2080 2084 2088 2092 2096 | Bien sot monter et bien descendre. As ongles a la croiz se prent, Si rampe sus mout vistement, Desus .I. des braz s'est assis. Renart fu dolens et pensis, Qui de voir set que moquié l'a. « Tybert, fait il, que que sera ? — N'est rien, dist Tybert, se bien non. Mes montez sus, si mengeron. — Ce seroit, dist Renart, grant mal, Mes vos, Tybert, venez a val. — Vos deüssiez mout bien savoir Qui ceste andoille doit avoir, Que ceste chose senefie. — Si ne doit pas estre mengie Devant que ele soit partie. Si m'en jetez jus ma partie, Que trop me ferïez grever Se la sus m'estovoit monter. Mes fetes ore que cortois, Si m'en getez tant con voudroiz, Si serez de vostre foiz quites. — Renart, que est ce que vos dites ? Il semble que vos soiez yvres, Je nel feroie por .C. livres. Vos deüssiez mout bien savoir Que tele chose a grant pouoir, Ce est chose saintefïee, Si ne doit pas estre mengiee Desoz croiz ne desoz mostier. Mout la doit l'en bien essaucier. — Biau sire Tybert, ne vos chaut, Car poi de place a la en haut, N'i porrions ensemble ester. Mes or le faites conme ber, Puis q'a val venir ne volez. Compains Tybert, bien le savez Que vos m'avez vo foi plevie De porter loial compaingnie. Compaingnon se il sont ensemble Et il trovent rien, ce me semble, Ensenble doivent bien partir, Se lor foi ne veulent mentir. Partez cele andoille la sus, Si m'en getez ma part ça jus, J'en prandré le pechié sor moi. — Non feré, dit Tybert, par foi. Compains Renart, qu'est ce que dites ? Pires estes que sodomites, Qui me rovez chose jeter Que l'en ne doit desenorer. Par foi, je n'avré tant beü Que a la terre la vos ru. Mout empireroie ma foi ; Ce est saintisme chose en loi. Andoille a non, bien le savez, Conter l'avez oï assez. Or vos diré que vos ferez : Vos souferroiz a ceste foiz. Et je vos en don ci le don : La premiere que troveron, Si sera vostre sanz partie, Ja mar m'en donrez une mie. — Tybert, Tybert, ce dist Renart, Tu charras encore en mes laz. Se tu vels, si m'en giete .I. poi. » Et dist Tybert : « Merveilles oi. Ne pouez vos pas tant atendre C'a poins vos en viengne une tendre Qui sera vostre sanz doutance ? N'estes pas de bonne atendance. » |
2048:"et jetez-m’en"(trait d'union)
RépondreSupprimer2050: "qu’est-ce que vous racontez ?" (trait d'union)
2096: "CE qu'il" (jusqu'à ce qu'il)
Encore merci!
JA
C'est corrigé. Merci d'avoir signalé les fautes.
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