dimanche 13 septembre 2009

Chantecler le coq - Le songe de Chantecler




Chantecler est bien en peine
M


out fu Chantecler en grant painne
à cause de ce songe qui l'agite ainsi
pendant qu'il sommeille.
Il s'étonne de cette pelisse
dont l'encolure est à l'envers,
et qu'il a vêtue de travers.
L'encolure est tellement étroite
qu'il en est tout angoissé,
et il se réveille en peur.
Mais il est plus étonné encore parce que
le ventre est blanc dessous,
et qu'on l'enfile par l'encolure,
si bien que la tête passe par le bas
et la queue par le collet.
Il est bouleversé par ce songe
car il croyait vraiment être mal-en-point.
À cause de la vision qu'il a eue
il a eu une grande frayeur.
Le coq reprend ses esprits,
puis il dit : « Saint-Esprit !
préserve-moi aujourd'hui de la capture
et mets-moi sous ta protection. »
Il s'en retourne alors à grande allure
tel celui qui n'est pas rassuré,
et arrive en criant vers les poules,
qui sont sous les buissons d'épines.
Il va jusqu'à elles sans s'arrêter.
Il appelle Pinte en qui il a beaucoup confiance,
et la prend à part :
« Pinte, inutile de le cacher,
je suis malheureux et déconcerté.
J'ai grand-peur d'être pris en traître
par un oiseau ou une bête sauvage
qui pourrait me faire beaucoup de mal.
— Holà ! dit Pinte, mon très cher seigneur,
vous ne devriez pas dire cela,
vous avez tort de nous inquiéter ainsi.
Je vais vous dire quelque chose, approchez-vous.
Par tous les saints que l'on prie,
vous ressemblez au chien qui crie
avant que la pierre ne lui soit tombée dessus.
D'où vous vient une telle peur ?
Dites-moi donc ce que vous avez.
— Quoi ? fait le coq, vous ne le savez pas
mais j'ai fait à l'instant un rêve étrange.
À côté du trou près de cette grange,
j'ai eu une vision très désagréable,
c'est pourquoi vous me voyez si pâle.
Je vais vous raconter mon rêve en entier,
je ne vous en cacherai aucun détail.
Sauriez-vous me conseiller ?
Il m'a semblé dans mon sommeil
qu'une bête venait vers moi,
qui portait une pelisse rousse
bien faite sans coup de ciseaux,
qu'elle me fit enfiler de force.
La bordure était faite d'os,
toute blanche, mais elle était très dure.
Le poil était tourné vers l'extérieur.
La pelisse était ainsi arrangée
que j'y suis entré par l'encolure,
mais je ne suis resté dedans qu'un petit peu.
J'ai donc mis la pelisse comme ça,
et après je l'ai retirée
à cause de la queue qui était dessus.
Puis je me suis réveillé il y a un instant,
et j'arrive ici tout déconcerté.
Pinte, ne vous étonnez pas
si mon corps en tremble encore,
mais dites-moi ce que vous en pensez.
Je suis très tourmenté par ce songe.
Par la confiance que vous me devez,
savez-vous ce qu'il signifie ? »
Pinte, à qui il se fie volontiers, lui répond.


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Du songe qui si le demainne
Endementiers qu'il someillot.
Du peliçon se merveillot
Dont la chevesce ert a envers,
Et si li vestoit du travers.
Estroit en estoit la chevesce
Si qu'il en ert en grant destresce,
Et de peor s'est esveilliez.
Mes de ce est plus merveilliez
Que blans estoit desoz le ventre
Et que par la chevesce i entre
Et que la queue est en la faille
Et la teste en la cheveçaille.
Por le songe est tressailliz,
Que bien quide estre maubailliz
Por l'avision qu'a veüe,
Dont il a grant peor eüe.
Esveilliez s'est et esperiz,
Et dist li cos : « Sainz Esperiz,
Garis hui mon cors de prison
Et met a sauve garison. »
Lors s'en torne grant aleüre
Con cil qui pas ne s'aseüre,
Et vint criant vers les gelines
Qui estoient soz les espines.
Dusqu'a eles ne s'arestoit.
Pintain apele, ou mout se croit.
A une part l'a apelee :
« Pinte, n'i a mestier celee.
Mout sui dolenz et esmarriz.
Grant peor ai d'estre traïz
D'oisel ou de beste sauvage
Qui trop me puet fere donmage.
— Avoi, dist Pintain, biaus doz sire,
Ce ne devrïez vos pas dire.
Mal fetes qui nos esmaiez.
Si vos diré, ça vos traiez,
Par trestouz les sains que l'en prie,
Vos resemblez le chien qui crie
Ainz que la pierre soit cheüe.
Dont avez tel peor eüe ?
Or me dites que vos avez.
— Qoi ? fait li cos, vos ne savez,
Orains songé .I. songe estrange.
Delez le trou de cele granche
Vi une avision mout male,
Par quoi vos me veez si pale.
Tout le songe vos conteré,
Ja riens ne vos en celeré.
Savrïez m'en vos conseillier ?
Avis me fu el sonmeillier
Que une beste me venoit
Qui .I. rous peliçon portoit.
Bien fet sanz cisel et sanz force,
Sel me fesoit vestir a force.
D'os estoit fete l'oleüre,
Toute blanche, mes mout ert dure.
Le poil avoit defors torné,
Le peliçon si atorné
Que par mi le ventre i entroie,
Mes mout petit i arestoie.
Le peliçon vesti ainssi,
Et puis aprés le desvesti
Por la queue qui ert deseure.
Lors m'esveillié a icele heure,
Ça sui venuz desconseilliez.
Pinte, ne vos en merveilliez
Se li cors me fremist et tremble,
Mes dites moi que vos en semble.
Mout sui par le songe grevez.
Par cele foiz que me devez,
Savez vos que il senefie ? »
Pinte respont, ou mout se fie.
Comment Renart prit Chantecler le coq Si conme Renart prist Chantecler le coc (5)
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