Renart dit aux marchands : « Que Dieu vous préserve; ces chapelets d'anguilles sont à moi, et le reste est à vous. » Quand les marchands entendent ça ils en sont tout ébahis, ils s'écrient : « Regarde le goupil ! » Ils sautent dans la charrette où ils pensent prendre Renart mais celui-ci n'a pas voulu les attendre. Le premier dit, en regardant autour de lui : « Que Dieu me vienne en aide ! nous avons manqué de vigilance, il me semble. » Tous deux se frappent les paumes : « Hélas ! dit-l'autre, quel grand dommage avons-nous subi par notre faute ! Nous avons été sots et étourdis tous les deux d'avoir cru Renart. Il a bien soupesé les paniers et les a également bien allégés, car il a emporté deux grandes anguilles. Qu'une sale colique lui torde les boyaux ! » « Hélas ! font les marchands, Renart, vous êtes vraiment de mauvaise engeance; qu'elles puissent vous faire bien du mal ! » Renart leur dit en retour : « Vous direz ce qui vous plaira, Je suis Renart, et sur ce, je me tairai. » Les marchands lui courent après, mais ils ne l'attraperont pas aujourd'hui, car sa monture est trop rapide. Il ne s'arrête même pas au milieu du vallon et continue jusqu'à à son enclos. Alors les marchands le laissent, ils se sentent comme deux malheureux idiots, s'avouant vaincus, ils s'en retournent. Celui-ci continue d'un pas rapide, lui qui s'est sorti de tant de mauvais pas, et arrive tout droit vers son logis où l'attend sa maisonnée. Sa femme, Hermeline, dame sage qui est si courtoise et si noble, se jette à sa rencontre. Puis Percehaie et Malebranche, les deux frères, se lèvent à l'arrivée de leur père, qui arrive par petits bonds, gros et rassasié, joyeux et content, les anguilles autour de son cou. Et quand bien même quiconque le prenne pour fou, il ferme la porte derrière lui à cause des anguilles qu'il rapporte. | 828 832 836 840 844 848 852 856 860 864 868 872 876 | As marcheanz dist : « Diex vos saut ! Cil hardel d'anguilles sont nostre, Et li remenant si est vostre. » Et quant li marcheant l'oïrent, A merveille s'en esbaïrent, Si escrient : « Vez le gorpil ! » Cil saillirent au charretil Ou il cuiderent Renart prandre, Mes il ne volt pas tant atendre. Li premier dist quant se regarde : « Si m'aït Diex, mauvese garde En avonmes pris, ce me semble. » Tuit fierent lor paumes ensemble. « Las, dist li .I., con grant donmage Avon eü par nostre outrage ! Mout estion fol et musart Trestuit qui creïon Renart. Les paniers a bien soufaschiez, Si les a auques alegiez, Que .II. granz anguilles enporte. La male passion le torde ! » « La ! font li marcheant, Renart, Mout par estes de male part. Mau bien vos puissent eles fere ! » Et Renart li prist a retrere : « Vos direz ce qu'il vos plera, Je sui Renart qui s'en taira. » Li marcheant vont aprés lui, Mes il nel bailleront mes hui, Car il ot trop ignel cheval. Ainz ne fina par mi .I. val Tant que il vint a son plaisié. Lors l'ont li marcheant lessié Qui por mauvez musart se tiennent. Recreant sont et si s'en viengnent, Et cil s'en va plus que le pas Qui passé ot maint mauvés pas, Et vint a son ostel tout droit Ou sa mesnie l'atendoit. Encontre lui sailli sa fame Hermeline, la preude dame, Qui mout estoit cortoise et franche, Et Percehaie et Malebranche Qui estoient ambedui frere. Cil se lievent contre lor pere Qui s'en venoit les menuz sauz, Gros et saous et liez et bauz, Les anguilles entor son col. Mes qui que le tiengne por fol, Aprés lui a close la porte Por les anguilles qu'il emporte. |
Que signifie "Tous deux se frappent les paumes"? Quel sentiment le fait de claquer signifie-t-il?
RépondreSupprimerLes charretiers ont perdu Renart et des poissons alors ils se battent les paumes, c'est à dire qu'ils se frappent les mains en signe d'affliction. Voir paume dans DicFro.
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