Ysengrin, qui se précipite au beau milieu des noces. Il ne parvient pas du tout à se contenir, alors qu'il pourrait venir à eux, il s'écrit plutôt très-haut : « Renart, Renart, tout doux, par les saints du ciel, vous m'avez déshonoré. » Renart est vif et rapide, et il lui dit tout en s'en allant : « Seigneur Ysengrin, ai-je gagné cette colère pour bons et loyaux services ? Voyez comme Hersent est prisonnière ici; ainsi je l'aide à se délivrer et à s'ôter de ce trou, et pour ça vous êtes tout effrayé ! Pour Dieu, cher seigneur, ne croyez pas que je lui ai fait la moindre chose, ni soulevé ses vêtements ni retiré sa culotte. Je le jure sur mon corps et sur mon âme; je n'ai rien fait de mal à votre femme. Et pour nous défendre, elle et moi, là où vous voudrez bien l'accepter, je vous le jurerai sous serment avec l'approbation de vos meilleurs amis. — Un serment ! traître convaincu, en vérité, vous vous protégez pour rien. N'imaginez plus de mensonges, ni de vaines paroles ou autres fictions, aucun prétexte ne convient, ce qui est arrivé est complètement évident. — Eh là ! lui dit Renart, cher seigneur, vous pourriez me parler beaucoup mieux, vous ne devriez pas soutenir cela. — Comment ? ai-je les yeux crevés ? croyez-vous que je n'y vois goutte ? Dans quel pays enfonce-t-on et pousse-t-on une chose qu'on veut tirer vers soi, comme je vous ai vu faire à Hersent ? — Ma foi, seigneur, lui dit Renart, vous savez que ruse et habileté valent mieux pour protéger quelque chose, quand on ne peut pas le faire avec la force. Hersent est prise dans ce terrier, mais elle est vraiment lourde et grosse; je ne peux en aucune manière la tirer de là à reculons par ce trou. Elle y est entrée jusqu'au ventre, et le terrier a une ouverture étroite. Mais il est plus large plus loin, c'est pourquoi je voulais la pousser dedans. De plus, la tirer vers moi serait vain car je me suis cassé la jambe l'autre jour. Vous avez à présent entendu la vérité, vous devez maintenant me croire, à moins que vous ne vouliez imaginer quelque prétexte comme vous avez coutume. Et quand la dame sera tirée de là, je ne crois pas qu'une plainte soit déposée; jamais, si elle ne souhaite pas mentir, vous ne l'entendrez proférer un mot. » Sur ces paroles, il rentre dans sa tanière après s'être bien défendu. | 580 584 588 592 596 600 604 608 612 616 620 624 628 632 636 640 | Ysengrin qui s'enbat es noces. Ne se pot mie tant tenir Que il poïst a aus venir, Ainz s'escria mout hautement : « Renart, Renart, tot belement, Par les sainz Dieu, mar m'i honistes. » Renart fu remuanz et vistes, Si li a dit tot en alant : « Syre Ysengrin, cest maltalant Ai ge conquis par bel servise ! Veez con Hersent est ci prise ! Se je l'aïde a delivrer De cest pertuis et a oster, Por ce si estes effreez ? Por Dieu, biau sire, ne creez Que nule riens li aie fete, Ne draz levez, ne braie trete. Ainz, par cest cors ne par cest ame, Ne forfis riens a vostre fame. Et por moi et por lui desfendre Par tot la ou le vodroiz prendre, .I. serement vos aramis Au los de voz meillors amis. — Serement ? traïtres provez ! Voir por noient vos en covrez : Ne controverez ja mençonge, Ne vaine parole ne songe. N'i convient nule coverture : Tote est aperte l'aventure. — Avoi, ce dist Renart, biau sire, Vos porrïez assez miex dire : Ice maintenir ne devez. — Conment ? Ai ge les iauz crevez ? Quidiez que je ne voie goute ? En quel terre empaint l'en et boute Chose que l'en viaut a soi trere, Con je vos vi a Hersent fere ? — Par foi, sire, ce dist Renart, Vos savez qu'en engin et art Si vaut a chose mainbornir Qu'en ne puet a force fornir. Hersent est prise en ceste fosse, Qui mout est voir espesse et grosse : En nul sens traire ne l'en puis A reculons par cest pertuis. Ele i est jusque au ventre entree, Et la fosse a petite entree, Mes ele est de lonc auques graindre : Por ce la voloie enz enpaindre. Mes por noient a moi la sache, Que j'oi l'autrier la jambe quasse. Or en avez oï la voire, Si m'en devez a itant croire, Se vos controver ne voulez Achoison, con fere soulez. Et quant la dame ert de ci traite, Je ne cuit clameur en soit faite, Ne ja, s'ele ne velt mentir, Ne l'en orrez .I. mot tentir. » A icest mot s'est entesniez, Quant se fu assez desresniez. |
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