dimanche 31 mai 2009

Renart et Hersent - La délivrance d'Hersent




Ysengrin est de l'autre côté
Y


sengrin fu de l'autre part,
et voit Renart qui donne la leçon,
qui l'a déshonoré sous ses yeux,
puis qui le raille et s'en va en se moquant.
Mais il ne prend pas la peine de discuter,
plutôt il se redresse pour aider
sa femme qui est sur une mauvaise voie.
Il la saisit par la queue
et la tire vers lui avec une telle force,
qu'Hersent souffre comme une martyre,
et il lui arrive à cause de la douleur
que son trou de derrière cède.
Ysengrin voit qu'elle se vide,
alors il pourra l'avoir ainsi qu'il le croit.
Il se recule un petit peu,
et il voit qu'elle est coincée dans le passage.
À moins qu'il soit un peu élargi,
Hersent ne pourra pas être retirée;
et s'il ne la dégage pas de là, il sera malheureux.
Il est ni paresseux ni mou,
il attaque avec ses griffes et gratte fort,
il retire la terre à l'extérieur avec sa patte;
il gratte d'un côté et de l'autre,
les diables l'auront s'il ne l'a pas.
Quand il en a assez ôté
en haut en bas et sur les côtés,
il s'approche d'Hersent, puis la soulève;
et comme il la trouve un peu desserrée,
il pousse et il tire et il secoue et il frappe,
peu s'en faut que la queue ne se rompe,
mais elle est bien attachée.
Il l'a tant poussée et tirée
que, Dieu merci, elle a bien tenu
jusqu'à ce qu'Hersent soit sortie dehors.
Il a eu beaucoup de peine à la tirer de là
au point qu'il en perde le souffle.
Il voit que Renart n'a plus rien à craindre de lui
puisqu'il s'est mis dans sa tanière.
Dès qu'Ysengrin voit Hersent délivrée,
il dit : « Hé ! sale vipère,
sale serpent, sale couleuvre,
j'ai bien vu tout le travail;
Renart sait bien me cocufier,
je l'ai vu allongé sur vos reins,
vous ne pouvez pas vous en défendre. »
Peu s'en faut qu'Hersent n'enrage de colère
puisqu'Ysengrin prend ainsi la chose;
néanmoins elle lui raconte l'affaire
d'un bout à l'autre :
« Seigneur, il est vrai qu'il m'a déshonorée,
mais je n'ai rien fait de mal
vu qu'il m'a prise de force.
Laissez tomber tous ces griefs
car ce qui est fait n'est plus à faire.
C'est terminé, passez à autre chose,
ce méfait ne sera jamais réparé
avec ce que nous pouvons en dire.
À la cour de Noble le lion,
on traite les procès et les audiences
de guerres à mort et autres querelles.
Nous irons là-bas nous plaindre à lui,
et vous aurez bientôt réparation
si cette affaire peut être portée devant la cour. »
Ces mots ont complètement réconforté
seigneur Ysengrin de sa colère.
« Certes, fait-il, je vous ai trop grondé,
j'ai agi très bêtement et je savais peu.
Mais ce conseil m'a remis sur le bon chemin :
Renart aura commis sa terrible faute à tort
si je parviens à le traîner devant la cour du roi. »


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Si voit Renart qu'esprent et art,
Qui l'a honi ses eulz voiant,
Puis si le gabe et va moqant.
Mes il n'a or soing de plaidier,
Ainz se redrece por aidier
Sa fame qui va male voue.
Il l'a saisie par la quoue :
De tel vertu a soi la tire
Que Hersent est en tel martire
Que il li covient par angoisse
Que le pertuis derriere croisse.
Ysengrin voit qu'ele se vuide :
Or l'avra il, si con il cuide.
.I. petitet s'est tret arriere ;
Il voit qu'ele est en la chariere,
Si s'est .I. petit alaschie.
Hersent ne pot estre sachie,
S'il ne la tret, il ert dolenz.
Il n'est pas pereceus ne lenz :
As ongles s'est pris et si grate,
Tret la terre fors a la pate,
Grate de la et puis de ça.
Deables l'avront, s'il ne l'a.
Quant il en a assez osté
Et sus et jus et au costé,
Vint a Hersent, si la soufache.
Et quant il la trove .I. poi lasche,
Empaint et tire et sache et boute :
A poi la qeue ne ront toute,
Mes ele estoit bien atachie.
Tant l'a empainte et fort sachie,
Que, merci Dieu, bien s'est tenue
Tant que Hersent est fors issue.
Traite l'en a a mout grant paine,
A poi que ne li faut l'alaine.
Il voit Renart qui poi le doute,
Car il s'est mis dedenz sa croute.
 Quant Ysengrin la vit delivre :
« Haï ! fet il, pute orde vivre,
Pute serpent, pute colevre,
Bien ai veüe toute l'uevre.
Bien me set Renart acoupir :
Je le vi sor voz rains gesir,
Ne vos en pouez escondire. »
Par poi Hersent n'enrage d'ire
Por Ysengrin qui si la chose.
Mes nequedent toute la chose
De chief en autre li raconte :
« Sire, il est voir qu'il m'a fet honte,
Mes n'i ai mie tant mesfet,
Endroit ce que force m'a fet.
Lessiez ester tot cest contrere :
Ce qui est fet n'est mie a fere ;
C'est outre : a el entendez.
Ja cist mesfet n'ert amendez
Par chose que nos en dion.
A la cort Noble le lion
Tient on les ples et les oiances
De mortiex guerres et de tences :
La nos irons de lui clamer.
Bien tost le pourez amender,
Se ce puet estre a cort porté. »
Cest mot a tout reconforté
Sire Ysengrin le coroucié :
« Certes, fet il, trop ai groucié,
Mout ere fox et poi savoie,
Mes cist conseus m'a mis a voie.
Mar vit Renart son grant desroi,
Sel puis tenir a cort de roi. »
Les exploits de jeunesse de Renart Les enfances Renart (1)
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