ouvre la porte de son jardin, car le soir arrive, et elle veut mettre ses poules à l'abri. Elle appelle Pinte, Bisse et Roussette, mais elle n'aperçoit ni l'une ni l'autre. Quand elle voit qu'elles n'arrivent pas, elle se demande ce qu'elles font, et elle appelle son coq à en perdre le souffle. Mais elle voit Renart le maltraiter. Elle s'avance pour le secourir, et Renart se met à courir. Quand elle réalise qu'elle ne le sauvera pas, elle se demande ce qu'elle peut faire. « À l'aide ! » s'écrie-t-elle à plein gosier. Les paysans sont en train de faire une soule, quand ils entendent ses cris. Ils arrivent aussitôt à ses côtés, et lui demandent ce qu'elle a. Elle leur raconte en soupirant : « Hélas ! il m'est arrivé un grand malheur. — Comment ! font-ils, qu'avez-vous ? — C'est mon coq que ce goupil emporte ! — Sale vieille putain, lui dit Constant ! Qu'avez-vous fait pour ne pas l'attraper ? — Maître, qu'est-ce que vous dites ? Par tous les saints, je n'ai pas pu le prendre car il n'a pas voulu m'attendre. — Et si vous l'aviez frappé ? — Je n'avais pas de quoi. — Et avec ce bâton ? — Je n'ai pas pu car il s'en va à si grand trot que ni chien ni braque ne l'attraperaient. — Et par où s'en va-t-il ? — Par ici, tout droit. » Les paysans courent avec ardeur, et tous crient : « Par là ! par là ! » Renart, qui est devant, les entend. Alors il bondit si haut, qu'il retombe durement sur le cul. Mais ils entendent le saut qu'il a fait, et tous s'écrient : « Par ici ! par ici ! » Constant leur dit : « Tous après lui ! », et les paysans courent d'un seul élan. Constant appelle son mâtin que l'on appelle Malvoisin. Grâce à la course qu'ils ont faite, ils aperçoivent Renart. Tous s'écrient : « Regardez le goupil ! » Renart est maintenant en grand danger, et le coq aussi s'il ne trouve pas une astuce. « Comment ! fait-il, seigneur Renart, n'entendez-vous pas quelles injures ils vous disent, et tous ces paysans qui crient si fort après vous ? Constant vous suit de près, lancez-lui donc une de vos plaisanteries en sortant, après cette porte. Quand il dira : “Renart l'emporte !”, vous pourriez lui répondre : “Malgré vous !” Vous ne pourrez pas mieux le déconfire. » | 1556 1560 1564 1568 1572 1576 1580 1584 1588 1592 1596 1600 1604 1608 1612 | A overt l'uis de son cortil, Que vespres ert et si voloit Ses gelines metre en son toit. Pinte apela, Bisse et Rousete, Ne l'un ne l'autre ne repere. Quant voit que venues ne sont, Mout se merveille qu'eles font. Son coc rehuche a longe alainne. Renart voit qui si mal le mainne, Avant passe por lui rescorre, Et Renart conmença a corre. Quant el voit qu'el ne rescorra, Porpense soi qu'ele fera. « Harou ! » s'escrie a plainne goule, Et vilains qui sont en la çoule, Quant il oent que cele bret, Tantost se sont cele part tret, Si li demandent que ele a. En soupirant lor aconta : « Lasse, trop m'est mesavenu. — Conment, font il, c'avez eü ? — Mon coc que cil gorpil enporte. » Ce dist Costant : « Pute vielle orde, C'avez vos fet que nel preïstes ? — Sire, que est ce que vos dites ? Par les sains Dieu, je nel poi prandre, Ne il ne me volt pas atendre. — Sel ferissiez ! — Je n'oi de quoi. — De cel baston. — Et je ne poi, Car il s'en va le grant troton. Nel prendroient chien ne braon. — Par ou s'en va ? — Par ci tout droit. » Li vilain corent a esploit, Et tuit crient : « Or ça, or ça ! » Renart l'oï qui devant va. Quant Renart l'ot, si sailli sus, Si qu'a terre ne fiert li cus. Le saut c'a fait ont cil oï, Tuit s'escrient : « O ci, o ci ! » Costant lor dist : « Or tost aprés ! » Les vilains corent a eslés, Costant apeloit son mastin Que l'on apeloit Malvoisin. A corre c'ont fet l'ont veü, Et Renart ont aparceü. Tuit s'escrient : « Vez le gorpil ! » Or est Renart en grant peril, Et le coc se il ne set d'art. « Conment, fet il, sire Renart, N'oez vos quel honte il vos dient, Cil vilain qui si fort vos huient ? Costant vos siut plus que le pas, Car li lanciez .I. de voz gas A l'issue de cele porte. Quant il dira : “Renart l'enporte”, “Mau gré vostre”, ce poez dire. Nel porrïez miex desconfire. » |
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