samedi 24 février 2018

Renart médecin - Drouin donne des cerises à Renart




Il saute de joie,
D


e la joie qu'il a tressaut,
et sort du fossé d'un bond.
Il se sent léger, il a retrouvé toute sa force.
Il se met aussitôt en route
et arrive dans la forêt,
puis il continue son chemin,
confiant et tout guilleret,
et arrive sur un coteau où il trouve
un cerisier bien chargé de cerises.
Il s'approche
et se poste dessous.
Jamais ce bandit de Renart
n'a jamais été aussi content.
Il regarde en haut et en bas,
puis aperçoit au sommet
un moineau qui s'amuse à sauter
de branche en branche.
Renart l'interpelle :
« Drouin, tu as l'air d'être aux anges !
Tu as plus de cerises que tout autre oiseau
pour te régaler.
— Renart, je vous les laisse toutes,
répond Drouin, car je ne sais plus où donner de la tête.
Que le diable me débarrasse d'une telle distraction ! »
Renart dit : « Comme je ne peux pas les attraper,
donnez m'en donc deux pour voir
si elles sont bonnes à manger.
— Tu n'en as jamais mangé de telles
de toute ta vie, répond Drouin.
Si tu en as vraiment envie
alors je t'en donnerai avec plaisir,
même de quoi manger un seau si tu peux.
— Mon cher ami, merci beaucoup
de ne point me les refuser,
fait Renart, une fois que je les aurais eues,
je saurai vous récompenser en retour. »
Puis, Renart se tait, pas besoin d'en rajouter.
Drouin lui jette
trois cerises d'un coup,
qu'il avale aussitôt
sans se faire prier.
« Ah ! Drouin, donnez-m'en d'autres,
lui dit Renart, car elles sont très bonnes.
— Elles te plaisent donc vraiment ?
demande Drouin. — Oh oui, je le jure sur ma tête.
— Alors tu en auras plein,
même si ça déplaît à certains. »
Il lui en jette de quoi remplir un sac,
et Renart en mange
jusqu'à être complètement rassasié.
Drouin lui demande : « Tu en veux encore ?
— Non, répond-il, j'en ai assez,
je n'en veux plus, merci beaucoup,
impossible d'en manger une de plus, je vous l'affirme.
— Renart, dit Drouin, alors écoutez-moi maintenant
que j'ai fait mes preuves
en vous donnant tout ce que vous m'avez demandé.
Vous qui avez entrepris maintes choses,
visité de nombreux endroits
en hiver comme en été,
voyagé dans beaucoup de pays,
vécu maintes aventures
dont vous avez beaucoup appris,
vous pourriez en tirer bénéfice
si vous en avez bien retenu les leçons.
Je ne sais pas si tu aimes faire profiter
les petites gens de ton savoir,
mais enseigne-le-moi
car j'en ai grand besoin,
je te le demande avec insistance. »
Renart répond : « Par saint Nicolas,
je ne te donnerai pas de mauvais conseil,
car tu as exaucé mes vœux.
Dis-moi ce qui te préoccupe,
et je saurai bien te conseiller,
n'aie aucun doute là-dessus,
car si je le peux, je le ferai,
fais-moi confiance,
je ferai tout ce que tu me demanderas
sans délai,
si c'est dans mes compétences
et si ça ne me porte pas préjudice.
Je vous dirai la vérité
sans chercher à vous tromper,
demande-moi ce que tu veux. »
Drouin se pose sur une branche,
et lui répond : « Renart, alors écoute-moi,
je vais te le dire en quelques mots.
J'ai ici avec moi
neuf petits moineaux qui, crois-moi,
tombent chaque jour à cause de la goutte.
— Soit sans crainte,
fait Renart, je vais les guérir,
ne t'inquiète pas.
Comme tu sais, il ne s'est pas passé
plus de deux ans sans que j'aie été
en Calabre, en Lombardie,
en Toscane ou en Arménie.
J'ai traversé la mer trois fois
pour chercher un remède
pour soigner monseigneur l'empereur Noble.
J'ai été pour lui à Constantinople,
et dans beaucoup d'autres contrées.
J'ai traversé la mer d'Angleterre
pour le roi deux ou trois fois,
j'ai même été en Irlande,
et à force de chercher partout,
j'ai fini par trouver le remède
qui a guéri le roi.
Je suis d'ailleurs devenu l'un de ses châtelains.
21460



21464



21468



21472



21476



21480



21484



21488



21492



21496



21500



21504



21508



21512



21516



21520



21524



21528



21532



21536



21540



21544



21548



21552



21556



21560



21564



21568
Outre le fossé fist .I. saut,
Si se senti fort et legier.
Maintenant se mist au frapier
Tant qu'en la forest est venuz ;
Ne fet pas semblant d'esperduz,
Mes mout se vet esjoïssant
Tant que trova vers .I. pendant
.I. cerisier mout bien chargié.
Estes le vos tant aprochié
Que il est de desouz venu.
Mes onques tel joie ne fu
Con Renart fet li desloial,
Si bee a mont et puis a val
Tant qu'il choisi sor l'arbre en haut
Le moisnel qui saut et tressaut
De branche en branche si se joe.
Et Renart si l'en araisonne :
« Droïns, mout as de tes aviax,
Plus en as que nus autres oisiax,
Qui as cerises te delites.
— Renart, jes vos claim toutes quites,
Fet Droïns, c'anuiés en sui.
Deables enportent tel deduit ! »
Fet Renart : « Quant n'en puis avoir,
Or m'en donnez .II. por savoir
Queles eles sont a mengier.
— Ainz ne mengas de tel mengier,
Fet Droïns, en toute ta vie.
Ne sai se tu en as envie,
Mes je t'en donré volentiers,
Se mengier en puez .I. setier.
— Mout grant merciz, biax douz amis,
Que n'estes pas a contredis,
Fet Renart, quant je les tendrai,
Grant guerredon vos en rendrai. »
 Renart se taist, si ne dist plus ;
Et Droïn li a jeté jus
.III. cerises en .I. tenant,
Et cil les menja maintenant
Mout volentiers et de bon grez.
« Ha ! Droïns, donnez m'en assez,
Fait soi Renart, car bones sont.
— Par l'ame de toi, dont ne sont ? »
Fait Droïns. « Oïl, par mon chief.
— Tu'n avras, a cui que soit grief,
A grant plenté et a foison. »
Et lors l'en giete plain giron,
Si en menja Renart assez
Tant qu'il en fu touz saoulez.
Et dist Droïns : « En vels tu mes ?
— Nenil, fet il, j'en ai adés ;
Je n'en voil plus, vostre merci.
N'en puis plus mengier, jel vos di.
 — Renart, dist Droïns, entendez !
Je vos ai ci bien esprovez,
Et tot ce que tu as requis.
Vos avez mainte afere enquis ;
En plusors leus avez esté.
Et en yver et en esté
As esté en maintes contrees ;
Mainte aventure i as trovees
De teles ou as mout apris
Dont tu porras monter em pris,
Se tu les as bien retenues.
Je ne sai se voz genz menues
Vodroies point de ton savoir
Ensaignier ; fai moi dont savoir,
Por ce que j'en ai grant mestier,
Por ce te demant et requier. »
Dist Renart : « Por saint Nicholas,
Ne te mesconseilleré pas,
Que tu m'as ma volenté faite.
Or puez dire qant que te haite,
Et je te conseilleré bien.
Ne t'en estuet douter de rien ;
Se ge puis, conseil i metrai,
Que par la foi que je te doi,
Ja riens ne savras demander
Que ne face sanz demorer,
Se tu diz chose que je sache
Que je n'i doie avoir donmage.
Tout maintenant sanz decevoir
Vos en voudré dire le voir ;
Mes di moi qant que il te siet. »
Droïns qui sor l'arbre se siet,
Li respont : « Renart, or entent
Ce que je te dirai briément.
J'ai ci illeques delez moi
.IX. moisniax, foi que je te doi,
Qui chascun jor chient de goute.
— Or n'en soiez de rien en doute,
Fait Renart, que bien les garrai,
Or n'en soiez pas en esmai.
Tu sez bien qu'il n'a pas passé
Plus de .II. anz que j'ai esté
En Calabre et en Lombardie,
En Toscane et en Hermenie ;
J'ai .III. foiz passee la mer
Por mechine querre et trover
Mon seignor l'empereor Noble.
Por lui fui en Costentinoble,
Si ai esté en mainte terre ;
J'ai passé la mer d'Engleterre
Por le roi .II. foiz, voire .III..
Je fui en la terre as Irois,
Tant alai cerchant la contree
Que j'oi la mecine trouvee
Dont li rois fu gariz et sains ;
De son païs sui chastelains.
Comment Renart fut empereur Ce est la branche Renart coment il fu Empereres (30)
Notes de traduction (afficher)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire