vendredi 8 mai 2009

Renart et Hersent - Le viol d'Hersent



Seigneur Ysengrin est réconforté.
D

ant Ysengrin fu rehetiez,
Il dit qu'à présent Renart sera souvent
guetté avant que la guerre commence,
et qu'il sera fou s'il ne prend pas garde.
Il font de grands efforts pour le surveiller,
mais il ne se passe pas une semaine
avant qu'il leur arrive une aventure étrange.
Alors que la route tourne
près d'un essart à côté d'un enclos,
Renart a failli être acculé.
On avait déjà coupé les pois,
la chaume était liée,
rassemblée et alignée dans le chemin.
Renart connaissait bien cet endroit,
il y était venu pour fouiner,
chercher, guetter
si il y avait quelque nourriture.
Ysengrin qui ne demande d'autre chose
que de pouvoir le tenir,
baisse la tête car il le reconnaît :
il pousse un cri puis l'appelle.
Renart qui n'est point rassuré,
l'a bien entendu et compris,
alors il s'enfuit l'échine tendu.
Hersent et Ysengrin se mettent
aussitôt en route ensemble.
Ils se donnent de la peine à le poursuivre
mais il ne peuvent prendre le dessus.
Renart court sur un sentier étroit,
et Ysengrin court tout droit.
Hersent s'efforce de piquer des éperons
pour essayer de rejoindre Renart.
Ysengrin réalise qu'il l'a raté
car Renart a bondi dans une autre direction,
Ysengrin se dirige alors de son côté.
Cela contrarie Renart
car il ne veut pas se livrer à lui ;
au contraire il n'arrête pas d'éperonner
jusqu'à l'entrée d'un trou profond.
Arrivé là, il y pénètre aussitôt.
Il aperçoit alors son amie Dame Hersent
qui est très fâchée contre lui.
Il voit qu'il n'a plus à la redouter,
pourtant Hersent agit plus que sottement.
Elle entre à la suite de Renart dans le trou
avec plein d'élan jusqu'au ventre.
Le château de Renart est très solide,
et Hersent s'est jetée tellement fort
dans la tanière
qu'elle ne peut plus se dégager en arrière.
Quand Renart voit qu'elle est prise,
il ne veut laisser en aucune manière
l'occasion de coucher avec elle
et de prendre d'elle tout son plaisir.
Peu s'en faut qu'elle n'en crève,
à cause du trou et de Renart qui l'écrase.
Le trou l'étreint de partout
et Renart la pousse par-derrière.
Elle n'a là rien qui puisse l'aider
mais seulement sa queue
qu'elle serre fort du côté de ses reins,
pour des deux trous de son derrière
aucun ne se voit de l'extérieur.
Mais Renart saisit la queue avec ses dents
et la retourne sur la croupe,
pour lui découvrir les deux trous.
Puis il lui saute dessus tout joyeux,
et il la prend aux yeux de tous,
que ça soit pénible pour elle ou lui déplaise,
tout à loisir et avec grande satisfaction.
Elle lui dit pendant qu'il la prenait :
« Renart, c'est un viol, eh bien, soit ! »
Renart, pour qui il est agréable
de lui livrer ainsi l'assaut, se tait,
il la récompense si bien et lui en donne tant
que toute la fosse en résonne.
Avant la chose soit finie,
Renart lui dit par félonie :
« Dame Hersent, vous disiez
que vous n'auriez jamais d'estime pour moi
et que je ne vous ferais jamais l'amour
pour la seule raison que je me vantais.
Vraiment, je ne m'en excuserai jamais,
si je l'ai fait, je le ferai encore;
je l'ai fait et le ferai, je le dis et le redis. »
Plus de sept fois, voir dix,
ils ont recommencé leur affaire
avant de se séparer.
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Et dist qu'or iert Renart guetiez
Sovent ainz que la guere parte,
Que foux sera s'il ne s'i garde.
De lui guetier sont en grant poine,
Mes ainz que passast la semaine,
Lor avint aventure estrange.
Einsint conme la voie change,
Lez .I. essart, delez .I. clos,
La dut estre Renart enclos.
L'en avoit ja les pois soiez,
Et le pesaz estoit lïez
Et amassé et tret en voie.
La savoit bien Renart la voie :
Venuz i estoit por furgier
Et por enquerre et por surgier
Dont il poïst avoir viande.
Ysengrin qui el ne demande
Mes que il tenir le peüst,
Besse la teste, sel connut,
Jeta .I. brait, si s'escria.
Renart qui point ne s'afia
L'a bien oï et entendu,
Si s'en fuit a col estendu.
Aprés se metent el chemin
Entre Hersent et Ysengrin.
Il se poinent de lui chacier,
Mes ne se puent avancier.
Renart corut la voie estroite,
Et Ysengrin corut la droite,
Et Hersent s'esforça de poindre,
Qui a Renart se voldra joindre.
Vit Ysengrin si a failli,
Que Renart d'autre part sailli.
Ysengrin se rest adreciez.
De ce fu Renart correciez,
Ne s'ose a lui abandoner,
Ainz ne fina d'esperonner
Jusqu'a l'entree d'un val crues.
Quant il i vint, s'i entra lues,
Quant vit dame Hersent s'amie
Qui vers lui iert si engramie.
Il vit qu'il n'avoit de lui garde,
Mes Hersent fist mout que musarde.
Aprés Renart en la fosse entre
De plein eslés desi au ventre.
Le chastel Renart ert mout forz,
Et Hersent par si grant esforz
Se feri dedenz la tesniere
Qu'el ne se pot retrere ariere.
Quant Renart vit qu'ele estoit prise,
Ne volt lessier en nule guise
Que il n'alast a lui gesir
Et faire de lui son plesir.
Par .I. petit qu'ele ne crieve,
Que la fosse et Renart li grieve,
Que la fosse desus l'estreint,
Et Renart par devers l'enpaint.
El n'a ilec qui la resqueue,
Mes que seulement de sa queue
Qu'ele estreint si devers ses reins,
Que des .II. pertuis de ses reins
Ne pert nul defors ne dedenz.
Mes Renart prist la queue as denz
Et li reversa seur la croupe
Et les .II. pertuis li destoupe,
Puis si sault sus, liez et joianz,
Si li fait tot ses iauz voianz,
Ou bien li poist ou mal li plaise,
Tot a loisir et a grant aise.
Elle dist, que qu'il li faisoit :
« Renart, c'est force et force soit. »
Renart se test a cui est bel
De ce qu'il li fet le cenbel,
Si bien la paie et tel li done
Que tote la fosse en resone.
Ainz que la chose fust fenie,
Li dist Renart par felonie :
« Dame Hersent, vos disïez
Que ja ne me priserïez
Et que ja mes nel vos feroie
Por seul itant que m'en vantoie.
Ja voir ne m'en escondirai :
Se jel fis, encor le ferai,
Fis et ferai, dis et redis,
Plus de .VII. foiz, voire de dis. »
Ont l'afere reconmencié,
Ainz qu'il eüssent partencié,
Les exploits de jeunesse de Renart Les enfances Renart (1)
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