mercredi 29 avril 2009

Renart et Hersent - La colère d'Ysengrin



Renart les entend gronder
R

enart les oï gorgocier
en colère envers leur mère.
Puis il se met aussitôt en route
la tête baissée pour que personne ne le voie,
il s'en va ainsi poursuivre ses occupations.
Voici alors que revient
seigneur Ysengrin auprès des siens
dans sa tanière sous la roche.
Il a tant couru, tant suivi de traces,
tant cherché et tant pourchassé,
qu'il est tout chargé de victuailles;
peu lui importe les problèmes d'autrui.
Il trouve alors sa maison
que Renart a mis sens dessus dessous.
Et ses fils se plaignent à lui
qu'ils ont été battus et déshonorés,
qu'ils se sont fait pisser dessus et traîner,
qu'ils ont été maltraités, puis traités
de fils de putain, de bâtard, d'adultérin,
et qu'il a dit en plus
que vous êtes certainement cocu.
Alors Ysengrin devient fou de rage
quand il entend les reproches sur sa femme.
Peu s'en faut qu'il ne s'évanouisse,
il hurle et crie comme un fou :
« Hersent, je suis bien maltraité à présent.
Sale, vile et méchante putain,
je vous ai entretenue dans le plus grand confort,
je vous ai bien protégée et bien nourrie,
et un autre vous a baisée.
Vos sentiments sont vraiment volages
pour laisser Renart, ce rouquin, ce puant,
cet vil débauché, ce vaurien,
vous monter entre les arçons.
Par les yeux de Dieu je suis là cocu à tort,
vous m'avez résolument déshonoré.
Vous ne coucherez plus jamais à côté de moi
puisque vous avez reçu un tel hôte,
à moins que vous fassiez toutes mes volontés. »
Hersent pourrait vraiment avoir à en souffrir
si elle ne lui promet pas
toute sa bonne volonté :
« Seigneur, fait-elle, vous m'en direz tant :
vous êtes fâché, mais il n'est pas juste
que vous montriez ici votre colère.
Car si vous me laissiez me justifier
par serment ou par le jugement de Dieu,
je le ferais de cette manière :
qu'on me fasse brûler ou pendre
si je ne pouvais me défendre.
Je vous assure de plus
que je ferai tout mon possible
pour ce que vous voudrez bien décider.
Celui-ci ne sait plus quoi demander;
ce qu'elle dit est suffisant,
sa colère est terminée.
Mais il lui fait jurer
qu'elle ne laissera plus jamais
Renart en paix si elle a l'occasion de le voir.
Qu'il prenne garde à présent, ce sera plus sage.
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Et vers la mere coroucier,
Si s'est tantost mis a la voie
Le col bessié que nul nel voie,
Si va porchacier son afere.
A tant estes vos qu'il repaire
Dant Ysengrin a sa mesnie
Qui soz la roche est entesnie.
Tant a coru et tant tracié,
Et tant porquis et tant tracié,
Que toz est chargié de vitaille.
D'autrui donmage ne li chaille,
Si a trovee sa mesniee
Que Renart ot estoutoiee.
Si fil se sont a lui clamé
Que batuz sont et disfamé,
Et compissiez et traïnez
Et laidengiez et puis clamez
Fil a putain, bastart avoltre.
« Et encore dist il tot outre
Certes que vos estïez cous. »
Lors s'est Ysengrin d'ire estous,
Quant de sa fame oï le blasme,
A bien petit qu'il ne se pasme.
Il ulle et bret come desvez :
« Hersent, or sui je mal menez,
Pute orde vis, pute mauvese.
Je vos ai norrie a grant aise
Et bien gardee et bien peüe,
Et .I. autre vos a foutue.
Mout est tes corages muanz,
Quant Renart, cil rous, cil puanz,
Cil vil lechierres, cil garçons,
Vos monta entre les arçons.
Par les iauz Dieu, mar i fui cous.
Honi m'avez tot a estrous.
Ja mes ne gerroiz lez ma coste,
Quant receü avez tel hoste,
Se ne faites tot mon voloir. »
Ja se peüst Hersent doloir,
Se ne l'eüst acreanté
Tot son bon et sa volenté :
« Sire, fet elle, vos diroiz :
Corociez estes, n'est pas droiz
Que vos mostrez ici vostre ire,
Que se m'en lessiez escondire
Par serement ne par joïse,
Gel feroie par tel devise
C'on me feïst ardoir ou pendre,
Se ne m'en pooie desfendre ;
Si vos afi ensorquetout
Que mon pooir en feré tout
De ce que vodroiz deviser. »
Cil ne set plus que demander ;
Il ot que ele dit assez.
Ses mautalanz est trespassez,
Mes que il li ait fet jurer
Que ja mes ne lera ester
Renart, s'ele le puet veoir.
Or se gart, si fera savoir.
Les exploits de jeunesse de Renart Les enfances Renart (1)
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